La Nouvelle Hélène
Comme Hélène de Sparte,
tu es née d'un oeuf de cygne
et ta peau est claire
comme le marbre de Paros
et diaphane comme la mer de Libye
quand elle est étale!
Ton sang est riche
comme l'eau du fleuve Achelôos
et ta veine jugulaire est
bleue comme le Pénée!
Ta longue chevelure de vierge est
verte comme Gargaros,
le sommet de l'Ida!
Ton sein est la pomme d'or
que le prince-berger Pâris
a offerte à la Déesse de l'Amour,
en hommage à sa beauté!
Ta bouche est une source de montagne
dont les galets figurent tes dents!
Ton front serein et tranquille
est visité par Hermès,
le Dieu de Cyllène!
Ta joue est méditative
comme un vers de Stésichore!
Ta nuque est un oracle de Spermô,
la nymphe du blé!
Tes lèvres sont des coraux méditerranéens,
mais un collier de corail des Indes
orne ton cou!
Le soleil caresse ton coeur
que j'entends à travers le lin blanc
de ta tunique,
car il bat juste sous ta mamme vermeille
dont le lait est plus riche
que le lait de la chèvre Amalthée
et aussi abondant
qu'une corne d'abondance!
Ton nez de statue grecque
est plus beau que le nez de Cléopâtra
et aussi droit que les Colonnes d'Hercule!
Tes oreilles sont des gouttes de lapis-lazuli
dans le lac Tritonis!
Tes boucles d'oreille sont
des bougainvillées roses
sur une terrasse de maison coloniale
à Tahiti!
Tes yeux châtains
ont la candeur des pucelles
et l'aménité polie des courtisanes!
Tes mains sont les mains fines
d'une Muse du Callidrome!
Tes aisselles embaument
le jasmin de Chio
et ton haleine sent le mastic
cher aux jeunes filles de cette île!
Tes bras veloutés
ont la chair ferme et blanche
d'une jeune dinde!
Ton dos et tes épaules sont
ceux d'une souveraine
naturellement encline à la domination,
mais qui, quand et si elle le désire,
devient une femme soumise à souhait!
Ton ventre de femme de Lemnos
est tatoué d'un lion
luttant avec un aigle
et ton nombril est incrusté de nacre
comme le nombril d'une sauvage!
Ton pubis est un serpent
de couleur sombre,
gardant comme un dragon
la rose de ta vulve!
Quand tu marches avec lenteur et majesté,
tu roules tes fesses,
toutes larges
et toutes rondes lunes d'Assyrie,
comme une chienne qui invite son compagnon
au combat amoureux!
Tes cuisses sont
les cuisses de Cythérée,
telles que les sculptait Praxitèle!
Tes orteils sont peints
avec le pinceau d'un peintre de Pompéi!
La plante de ton pied est
celle d'une jeune femme de Laconie
qui rêve toute nue
sur la rive de l'Eurotas!
Tes jambes, élégantes comme le bronze
du trépied de Pythie,
sont pourtant puissantes
comme les jambes d'une danseuse
de temple de Corinthe!
Mais, si tu excelles à la danse,
tu aimes, par-dessus tout,
les joutes poétiques entre jouvencelles
et une belle couronne de laurier
rehausse ta tête brune
et pure!
Ô femme d'une beauté ineffable,
tu es la récompense
de mes Douze Travaux
et le prix de mes souffrances inédites,
si bien que quand je t'écoute chanter
comme une sirène de Cumes,
je pleure et je ris
comme l'Amour-Enfant!
LES AMAZONES DE LA LUNE
RECUEIL INEDIT. JUIN 2005