Ode à Pénélope


Ah! Être Ulysse,
ô bienheureuse Pénélope!


Être honoré, comblé,
couronné de ton amour!


Être purifié et sanctifié
par ton extraordinaire beauté!


Ah! Pouvoir courber
l'arc de ta croupe!
Pouvoir en faire vibrer la corde
mélodieusement, délicieusement,
paradisiaquement!


Ah! Pouvoir percer
de la flèche de cet arc vigoureux
autant que prodigieux
douze fers de haches
mises côte à côte!


Seul ton Ulysse
en est capable,
ton mari, ton amant à jamais,
ton homme de toujours,
ô Pénélope-Cygne,
ô toi dont le métier à tisser est
l'origine d'histoires merveilleuses
et de fables étonnantes
auxquelles le profane
ne comprend rien,
seuls la poétesse et le poète
étant capables
d'en exprimer le sens plein de saveur,
comme on exprime le jus d'une orange
ou comme d'une pomme
on obtient le cidre,
le poème érotique et universel,
intégral et oecuménique!


Ô Pénélope, fus-tu vraiment
cette épouse tant vantée
ou bien fus-tu cette Déesse voluptueuse
qui porte le même nom que toi,
et des orgies lunaires de qui
Pan est né?


Quelle que soit la vérité de ta légende,
la leçon que j'en tire,
c'est que seule la Chair,
en l'occurrence la belle chair
d'une jeune femme,
peut résister à la putréfaction des idées
et à l'imbécillité omnipotente,
ultimes conséquences
de la mort des mythes
qui furent la source de l'intelligence
et le fondement de l'action
rapide comme l'éclair
qui fend en deux le ciel
et dont l'arrêt
a fait passer l'humanité
de la saison des héroïnes et des héros
à la saison sombre
des histrions matricides!


LES AMAZONES DE LA LUNE

RECUEIL INEDIT. JUIN 2005