Amaryllis
Par les fastueuses et chaudes après-midi d'été
où tout invite
à un somme en plein air
auprès d'une source fraîche
ou d'un clair ruisseau,
je m'en vais chanter dans le bocage,
car plus doux sont les chants
à mon esprit
que les roses les plus éclatantes
ou que le solstice d'été!
Les courtisanes que je croise en chemin
me regardent de haut en bas,
me font des moues de lèvres
ou éclatent de rire sur mon passage,
car j'ai l'allure négligée et agreste
d'un chanteur bucolique!
Pourtant Aphrodite, la déesse de la beauté,
garde des boeufs en Phrygie,
et aime et pleure dans les bois sauvages
son cher Adonis,
un simple bouvier!
Et Séléné s'unit dans une grotte du Latmos,
mont célèbre de Carie,
au pasteur fortuné Endymion!
Et Cybèle gémit dans les forêts de pins
sur la perte d'Attis,
son berger bien-aimé!
Ô courtisanes de néant,
seriez-vous supérieures
à ces Déesses?
Je suis pourtant aimé
des jeunes femmes de la montagne,
celles qui vont chercher de l'eau
à la fontaine,
une cruche sur l'épaule élégante,
ainsi que des Tanagréennes fines!
Ce sont elles qui s'y connaissent le mieux
en amour!
Et la noble Amaryllis,
ma Muse et ma Madone,
paraît au milieu d'elles
comme un pin dans le bois du Ménale,
comme un frêne dans la forêt
qui résonne des accents d'Orphée,
comme un blanc peuplier
sur les rives du Céphise,
comme un myrte dans le jardin de Cypris,
comme un olivier à Délos la Sainte,
comme un palmier
dans l'azur immaculé de Crète!
Elle est si auguste
qu'elle semble une cavale d'Epire
à la tête parée de rubans rouge et or,
comme pour un sacrifice!
Qu'elle se rassure,
la très chère amie!
C'est moi l'autel,
c'est moi le sacrificateur,
c'est moi le couteau!
Car le sacrifice, ce n'est que mon amour,
ni perfide ni jaloux,
mais fidèle et tendre
comme le thym sur les montagnes de l'Attique,
et comme le basilic
sur les balcons parfumés d'Athènes!
LES FLOTS DE LA PASSION
RECUEIL INEDIT. JUIN 2005