Chant Funèbre en l'Honneur d'Adonis


Quand le platane chante
dans mes oreille plongées
dans le panique enchantement,
cependant qu'auprès de moi
susurre une source
née du Zéphyr,
l'envie me vient d'un bain lustral
dans le sein de la Terre-Mère
où la cigale bienheureuse
chante le raisin noir
et le blé mûr,
où la blonde abeille
psalmodie l'hyménée
du thym de l'Attique,
où les Muses siciliennes
entonnent au-dessus de l'onde dorienne
les Bucoliques de Théocrite,
où, enfin, Aphrodite,
sur son matelas de pourpre,
pleure le bel Adonis,
beau dans la mort
comme dans la vie,
cependant, qu'aidée des Grâces
et des Amours,
elle pare du miel de ses baisers
la tête de son défunt amant assyrien,
à mort blessé
par un funeste sanglier
qui le mordit sur la cuisse
de ses dents férocement blanches,
alors que le divin pâtre
chassait dans une forêt d'Orient!


Et les montagnes
et les rivières
et les fontaines et les lagunes
de répéter à l'envi
les paroles amères
prononcées par Cythérée à cette occasion
et toute la Nature
de s'écrier:
«Hélas, hélas, Cythérée!
Il a péri Adonis!
Il est mort le bel Adonis!
Que meurent toutes les fleurs,
que périssent tous les parfums!»


Et les femmes de Byblos
toutes ensemble
de se déchirer la poitrine nue
avec leurs ongles aigus,
cependant que des roses rouges
naissent de leur sang
et des anémones de leurs larmes!


Et le fleuve lui-même
qui descend des monts du Liban
de se teindre du sang répandu
par le Dieu mort dans la fleur de l'âge!


Le peuple tout entier
pleure le grand Adonis
qui expira dans la bouche de Cypris
en un dernier,
en un suprême baiser
dans lequel la Déesse exprima
toute l'infime séduction
du Dieu adolescent
du Dieu amant,
époux de toutes les concubines
et de toutes les courtisanes,
roi de tous les érastes,
prince de tous les amoureux!


Cependant que la Déesse,
fille de la mer,
chante dans mon sein
et dans mon coeur,
reçois, ô pur ange de poésie,
ô enfant de la passion,
reçois cet hommage
comme la couronne de roses rouges
de ton sang
qui pare ta belle tête
et comme la guirlande d'anémones
des larmes de Vénus,
née de l'écume
qui orne ta poitrine,
tant pleurée!


Ô Dieu de naguère et de toujours,
Dieu ancien et éternel,
garde-moi de la guerre,
préserve-moi des flèches d'acier
de la foule impie!


Car par ta descente dans l'Hadès
et par ton mariage avec la funèbre Perséphone,
suivi de ton retour
auprès de la riante Aphrodite,
tu es la seule Pâque que je reconnais,
la seule Résurrection
où j'aspire!


DESTINEES DE SANG ET DE PASSION

RECUEIL INEDIT. JUIN 2005