Des Vierges de Marathon


Je vais de ce pas à la Tétrapole
dans l'espoir d'y voir
les vierges de Marathon,
les jeunes filles de l'Attique
aux mollets blancs
et élégants comme le Strymon
quand il se jette dans l'Egée
ou comme l'Alphée
quand il va joindre ses flots
aux flots de la mer Ionienne
ou comme le Nil
quand il s'unit, des liens tendres de l'amour,
à la Méditerranée
ou comme l'Eridan
quand il meurt dans la mer Tyrrhénienne
ou comme le Tage
quand il se marie à l'Océan
à Lisbonne l'Ulysséenne
ou comme l'Europe
quand elle finit en beauté
aux Colonnes d'Hercule
ou, enfin,comme l'eau glacée
d'une source de montagne arcadienne
quand elle jaillit dans notre bouche
desséchée par les feux
de l'été ardent!


Et j'aime la façon
dont les jambes de ces jeunes femmes
retombent sur leurs pieds délicats
comme une chevelure de Déesse
tombe sur ses épaules de miel
ou comme une tunique d'Amazone
tombe sur les hanches bénies d'Antiope!


Mais mon intérêt pour ces Atthides
n'est pas uniquement suscité
par la beauté, il est vrai indicible,
de leurs membres délicieux,
mais aussi par le fait
que ce sont elles
qui ont accueilli à sa naissance
le fils de la Brise et de Dionysos,
le Troisième Bacchos,
le bruyant Iacchos,
le Dieu qui conduit dans la nuit
aux sons des flûtes
la procession de porteurs de flambeaux
aux mystères d'Eleusis!


Car, c'est à l'occasion
de la venue au monde de l'enfant Iacchos
que la magnifique, l'Immortelle Athènes,
emportée par le délire mystique,
dansa avec Dionysos
la danse nuptiale,
enguirlandée de calices
de fleurs de laurier-rose
et couronnée de roses et de myrtes!


Ainsi s'est accomplie
la mission terrestre
du Dieu Civilisateur,
par son installation
dans la ville d'Athéna,
où il institua les choeurs de tragédie
qui allaient donner
une renommée éternelle
à la cité sainte,
ceinte du Phalère
et glorifiée par le promontoire
du Sounion,
rehaussé d'un temple de Pallas!


Puissé-je, ô Bacchos,
ô Toi le Venant,
Toi le Venu,
puissé-je augmenter par mon art
la gloire pérenne
qui, ainsi qu'une couronne de laurier,
s'attache à la haute figure d'Eschyle,
et ouvrir mon âme
au parfum invincible
émanant de Sophocle,
sans oublier Euripide
qui chanta le châtiment que tu infligeas,
ô Dieu juste et doux
comme le vin de Lesbos,
à l'impie Penthée, Roi

DESTINEES DE SANG ET DE PASSION

RECUEIL INEDIT. JUIN 2005