Hymne à Rhéa


Ô Divine Mère
mystiquement Stéatopyge,
les rossignols de l'aube dans les jardins
séraphiquement beaux
et les alouettes matinales dans les champs
fécondés par Déméter-Cérès
se mettent à chanter
comme les Muses et comme Apollon,
dès que je vois ta hanche,
fruit altier et chaste
d'une gigantomachie légendaire
et dont la circonférence
est aussi énorme
que le tour de base
de l'Ida crétois!


Ô Grande Déesse
de Crète et de Phrygie,
Agdistis est ton nom!


Mais tu es aussi glorieuse
que tu portes des noms multiples
selon les lieux
où tu es adorée
par les plus fiers des mortels!


Ainsi, on t'appelle
Dindymène, Sipylène,
Pissinontine, Cybèle
et Cybèbe!


Mais les Grecs
ne reconnaissent en Toi
que Rhéa, la Mère de Zeus!


C'est que tu es aussi
Cydonienne et Etéocrétoise,
et donc Crétoise pure,
autochtone, indigène,
fille de la terre sacrée
de cette île ceinte de flots!


Que tes danseuses et officiantes
fassent crépiter les crotales,
ces antiques castagnettes de fer,
et que les Corybantes
assourdissent les forêts
du cliquetis de leurs armes de bronze
et de leurs battements de pieds!


Que les tambours
recouverts d'une peau de boeuf
retentissent devant la grotte
où dort Zeus,
le Divin Bambin!


Que les Dactyles de l'Ida
fassent sonner les cymbales
de la transe, de la possession divine,
bref de l'enthousiasme,
cette ivresse surnaturelle!


Car il faut bien
que Cronos-Saturne,
le Dieu qui prend plaisir
à dévorer les enfants qu'il a de Toi,
Ô Rhéa,
dès leur naissance,
ne se doute de la venue au monde
de Zeus, le dernier-né de ses fils!


Oui, tu es la Mère Bien Adorée
qui dérobas ton enfant,
le futur Roi des Dieux,
à la cruauté de son Père divin,
en faisant accourir
de toute l'Hellade
des jeunes gens appelés Courètes
ou Corybantes,
qui par un bruit extraordinaire
détournent l'attention
du Géniteur infanticide!


Ô Telchines, ô Cabires,
ô Corybantes, ô Satyres,
faites précipiter,
faites pleuvoir des rocs puissants
de la cime de l'Ida
vers la plaine
en une musique terrible
qui célébrera la victoire
de Zeus et de sa Mère,
de Zeus à la foudre,
au tonnerre et à l'éclair de qui
obéit l'Univers
dans sa totalité,
et de sa Mère,
Auguste Maîtresse des fauves
dont le char est tiré
par des cygnes sauvages!


Et c'est Toi,
ô Mère de toutes les choses
animées et inanimées,
qui me donnes la force
de chanter comme un aigle blanc
planant sur le Front de Bélier,
ultime promontoire de Crète,
tendu vers la Libye!


L'OMBILIC INFIBULE

RECUEIL INEDIT. JUILLET 2005