La Femme-Cocotier


Ô sel de mon amour!
Ô mer dans mes cheveux
et soleil sur mes lèvres!
Tu es l'arbre que j'ai apprivoisé,
à qui j'ai donné de l'eau
et qui m'a donné son fruit!


Ô mon haut et svelte dattier de Hormuz!
Ô mon coeur de palmier,
mon chou-palmiste!


Tu es le seul vestige qui reste
du périple que, sur ordre d'Alexandre le Grand,
fit Néarque dans l'océan méridional,exploit que j'ai renouvelé en esprit!


Tu es l'huile de baleine,
tant appréciée des riverains de ces mers,
l'huile même que je verse sur une étoupe
afin de calfater ma barque
de pêcheur de perles!


Tu es la carcasse de cétacé
dont est faite ma cabane de sauvage!


Et tu es la poutre de cocotier
qui me servit à bâtir un temple
en l'honneur du Dieu de l'île
où tu m'avais enchanté
et où, après t'être unie à moi
comme une maîtresse à son amant,
tu m'avais métamorphosé en poisson
et tu m'avais rejeté
dans la mer de la solitude!


Mais, prise de regret,
tu prias le Dieu
de rompre le charme
et me voilà redevenu
un homme de la tribu des Ichtyophages
ou Piscivores!


Depuis, j'ai quitté ces rivages,
si pauvres en froment,
pour venir habiter ce lieu fertile
où les oliviers abondent
et où l'ombre des grands peupliers blancs
entretient ton souvenir,
ô Néréide, ô Apsara,
ô Nymphe indienne,
ô femme-cocotier
qui m'aidas avec ta propre chair
à construire le sanctuaire
du Dieu de la Mer!


LA FEMME-COCOTIER

RECUEIL INEDIT. JUILLET 2005