Le Serpent Léontocéphale
Ô jeune femme joyeuse et passionnée,
ô toi qui chantes à la lune
comme un papillon à la lampe solitaire,
comme un rossignol nostalgique,
comme une cigale qui s'attarde
jusqu'à la nuit profonde,
et comme le grillon des champs
laboureur d'amour,
prête-moi l'oreille,
ne serait-ce que pour un bref instant!
Et, si cela agrée à ta façon d'être,
je ferai l'éloge de ta croupe
semblable par certains côtés
à la pierre dite polyzone,
car, ainsi que cette gemme,
ta hanche est compacte, dense,
dure et solide!
Mais étant absolument blanche
et translucide comme l'air,
elle ressemble plus sûrement
à une autre variété d'onyx,
celle qui est limpide
comme un ciel d'été sec!
Et c'est sans doute la raison pour laquelle
tu portes au milieu de tes flancs
un tatouage composé de rayons solaires
et d'un serpent léontocéphale,
symboles de l'influence
qu'exerce sur toi
un des décans du signe zodiacal
du Lion!
C'est effectivement sous cette constellation
que l'on moissonne le blé
sur les champs divins,
oui, le blé dont les semences
on avait mis sous terre
pendant le froid Octobre!
Et c'est à cette saison de gloire
que je m'associe à toi,
ô prêtresse de Cérès!
Oui, c'est à cette saison splendide
que je m'unis à toi
en le feu d'un brasier
qui ne nous consume
que pour nous régénérer!
Oui, nous nous unissons,
nous nous fondons
dans une vangoghienne cosmogonie
où l'on ne saurait distinguer
ce qui est boule incandescente du soleil
de ce qui est un champ de blé
et un couple de moissonneurs
faisant la sieste à midi
sous une meule de blé
de la blonde Déesse Déméter
aux tresses et au sein d'or!
Et dans le chrysolithe
de la chevelure de cette Déesse
nous gravons au diamant
un scarabée avec des rayons
qui se dit en grec Kantharos!
Et sur l'écume de lune
de Sa face vénérée
nous gravons une effigie d'Isis
portant des cornes de vache!
Pourquoi donc,
ô vierge du froment mûr,
prenons-nous ces peines infinies
sous les feux de midi?
C'est afin, ô bonne meunière,
que ces gravures
nous servent de phylactères
nous protégeant du mal!
SEMENCE DE CORAIL
RECUEIL INEDIT. JUILLET 2005