À Rodogune


Aucun trésor, aucun trône
et aucune aspiration
à la vie supérieure de l'esprit
ne valent le merveilleux,
le miraculeux, le féerique spectacle
que tu offres, ô Rodogune Adorée,
quant tu baignes
ton opulente chevelure châtaine
dans les eaux du Strymon
dont les cygnes tracent
des chemins liquides
devant tes prunelles éblouies,
cependant que tes nobles servantes
aux blonds cheveux
noués sur la tête à la russe
enlèvent leurs rênes
aux coursiers de ton attelage
qui sont harassés de fatigue,
ayant couru toute la journée
à travers les plaines de Macédoine
avec de lourdes courroies
autour de leurs corps fauves!


Oui, la sueur dégouline
de leurs fronts
et ruisselle sur leurs larges yeux,
car aujourd'hui, c'est jour de moisson
et il a fait chaud
toute la journée
où tu as resplendi,
ô Bien-Aimée de mon âme,
comme le soleil ardent de l'été
et comme le Sirius éclatant
de la canicule!


Quand les jours sombres
de la fin d'automne
se lèveront
et qu'Orion pèsera
sur nos poitrines angoissées,
je me souviendrai de toi,
quand tu te baignais toute nue
dans la rivière macédonienne,
cependant que les auréoles
de ton sein au galbe parfait
flottaient dans la félicité partagée
comme des oriflammes de Rois francs
ou comme des bannières à aigles
des anciens souverains de Macédoine
qui descendaient d'Alexandre le Grand,
cet empereur grec
dans les états de qui,
selon l'expression qui lui fut propre,
le soleil ne se couchait pas!


Ô dame selon mes voeux,
tu es née de l'embrasement de mon désir
comme la femme de Pygmalion
est sortie de son rêve à lui,
rêve secret, connu seulement d'Aphrodite
qui, exauçant les prières
du fameux sculpteur chypriote,
créa une dame
en tout point conforme
aux canons de l'artiste!


Oui, toi aussi,
ô ma paix, mon repos
et ma volupté sacrée,
tu es née d'une mienne oraison
adressée à la Déesse Immortelle!


HYMNE A L'AURORE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2005