À une Femme Conquérante


D'où te viennent-ils,
cet air conquérant
et cette souveraine grâce,
si ce n'est de tes plumes de cygne
sur lesquelles je repose
dans ma chambre haute,
aux longues nuits d'hiver
ou dans ma terrasse
tendue de vigne sauvage
aux nuits brèves de l'été?


Je crains de devenir aveugle
comme saint Nikon
après avoir vu Marie
dans toute sa splendeur,
s'il m'arrive de te contempler
dans toute ta beauté
étalée devant mes prunelles extasiées
comme la peau d'un lévrier de Sparte
ou d'un lion de Némée!


Je préfère, plutôt,
que tu te caches
sous de longs voiles arachnéens
quand tu t'approches de ma couche
comme la lune derrière des nues printanières,
quand elle approche du mont Latmos
où dort le berger Endymion,
son adoré!


Viens auprès de moi
à pas feutrés,
comme le vol d'un oiseau nocturne
ou comme une toute jeune demoiselle
à son premier rendez-vous
et qui tente ainsi d'étouffer
la musique de ses pieds
sur les tapis de Perse
qui sont aussi fins
que les phalanges de ses doigts,
elles même plus fines
qu'un fil de soie!


Oui, tu es un doux paysage du Sud,
brodé par une tisseuse de tapis persane,
grande rêveuse à ses heures,
et où figurent des paons
perchés sur des grenadiers en fleurs
et des roses à cent pétales du Pangée,
ces roses que le Poète appelle
roses d'Orphée
et dont il fait un symbole de Création
après l'épi de blé de Déméter
et la vigne de Bacchus!


Je devine et pressens
que si tu m'apparaissais toute nue
comme une prêtresse de Cypris,
portant seulement une amulette
sur la nuque,
mon haleine en serait coupée
et, avec elle, le fil même,
déjà si ténu,
de ma vie!


Mon âme, cependant,
continue à rêver
à ta nudité de Diane
vêtue de lune et d'étoiles
et se baignant dans une fontaine d'Arcadie,
tout en s'ébattant avec ses compagnes,
les Nymphes des chênes
ou Dryades!


Or, mieux vaut mourir
de t'avoir surprise toute nue
dans une pose langoureuse
sur ton lit blanc comme neige
que reprendre les chemins
de cette vallée de larmes!


LES TAMBOURS DE LA VICTOIRE

RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2006