Esquisse de la Femme Libre


À l'ombre féconde des grands arbres,
je lis lentement, afin de m'en imprégner,
Ibn Ammar!


Car de même que cet illustre Andalou
prétend que seuls sont libres
les hommes qui sont
esclaves de l'amour,
moi, je soutiens que, de nos jours encore,
il n'est de femme affranchie
de la puissance de son père,
émancipée de la contrainte maritale
et libre, qui ne subisse le joug d'amour,
donc qu'elle ne soit bonne, belle,
bien formée et harmonieuse!


Oui, pour qu'elle ait le droit
d'être appelée libre,
il faut que la jeune femme
ait de belles moeurs,
de l'élévation d'esprit,
de la noblesse d'âme,
de l'élégance dans les manières
et du goût excellent,
aussi bien en ce qui concerne la nature,
les mets et les sucreries
que relativement aux poèmes
et aux concerts spirituels!



Si elle veut la liberté,
elle doit avoir l'haleine
toujours fraîche
et la langue musquée
et, en outre, il faut que sa vulve
sente comme la paonne,
ou la poule faisane
ou comme une oiselle de paradis
afin que la communication
entre celle-ci et le sexe de l'homme
qui est un paon ou un faisan,
ou un oiseau de paradis,
soit bien établie
lors de l'étreinte totale!


Mais, avant tout,
pour que la jeune femme soit libre,
elle doit avoir
le front large comme une mer d'albâtre,
les yeux d'un noir et d'un blanc
bien tracés et brillants,
à la façon d'une houri,
et elle doit avoir une mouche,
de préférence sur la joue droite!


Son corps doit être
la hampe du drapeau,
et sa chevelure,
le drapeau lui-même,
signifiant la vastitude
de l'armée des Fidèles d'Amour!


Elle doit allier
une sveltesse de cyprès
et une finesse de taille,
évoquant la tige d'une rose,
à une croupe grasse et généreuse,
afin que l'esprit du poète courtois,
ou, plus humblement,
de l'homme raffiné,
soit contenté, satisfait
et célestement enrichi
et terrestrement amendé,
ainsi que le sol
d'une plaine à blé!


Si notre époque a un message à délivrer
aux siècles futurs,
ce ne peut être
qu'il faut éviter
toute tyrannie de l'homme sur la femme,
et de la femme sur l'homme,
et qu'il faut que l'aventure amoureuse
soit courue librement
par les deux sexes,
à leurs risques et périls,
pourvu que le lien d'amour
soit fort et supporte
le poids du temps!


Or, tout cela
ne peut être que le fait
de l'homme et de la femme
réfléchis, pondérés
et bons jouisseurs,
conformément aux voeux de la nature
et de l'art d'aimer!


En concluant, je dirai
que la jeune fille
doit rappeler, en toute chose,
Zaïnab Ben Halch,
la plus sensuelle
des épouses de Mohamed,
celle peut-être,
à moins que ce ne soit Aïcha,
l'épouse-enfant,
qui inspira au Prophète
cette pensée délicate:
«En ce monde,
je n'aime que les parfums, les femmes
et la prière!»


L'ASTRE SOMBRE DE LA MELANCOLIE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2004