La Gardienne de la Parole
Tout comme l'herbe tient au sol
par ses racines,
de même l'esprit de l'homme
tient à la terre
par les racines qu'il jette
ainsi que des ancres
dans les viscères de la femme
qui est la fiancée des oiseaux,
l'amante des serpents
et l'épouse des frelons
et qui, par son obsédant désir
d'hymen,
est la mère et la fille
de tous les hommes!
Et jamais, sous peine de déchoir,
notre intellect ne doit s'éloigner
du corps de la femme,
mais au contraire
se pencher sur ses entrailles
comme le voyageur en mer
garde la tête penchée
sur l'onde lilas
dans l'espoir d'en voir le fond,
aidé par la bonace
et par la pureté du miroir marin
qui laisse apparaître
la racine commune
de tous les êtres!
Quelle grâce
et quelle félicité
de pouvoir quitter la rumeur
du monde amer de la servitude
pour s'envoler vers le sein chaud
de la femme
où règnent la liberté, la profondeur
et la joie des festins
et des chants,
la même que la joie qui existait
sur l'île des Phéaciens
du temps du Roi Alcinoos,
père de Nausicaa,
hôtesse d'Ulysse!
Oui, c'est par la femme
que la respiration de la terre
se marie au souffle des astres
et le pouls terrestre
aux battements de coeur
du ciel immaculé
couronnant le Parnasse
comme le Lion-Soleil,
Apollon-Phébus,
le Terrible Archer
et le Musicien Parfait!
Comme le soleil intérieur
brille
et me baigne de sa flamme
quand je parviens à saisir
de mes mains fines
l'esprit ailé de la dame
et à le fixer sur ma poitrine,
dans la région du coeur
qui bat pour elle
comme pour la colombe même
de l'immanence!
Et comme la lune resplendit
quand j'arrive à lire
dans la conscience de la femme
ses pensées les plus intimes
et à y déceler
ses desseins les plus magnifiques!
Car sous sa peau de neige
la femme garde au chaud
la semence de la parole,
mère de l'art lyrique!
LA FIANCEE DES OISEAUX
RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2006