La Mer de Volupté


Ô croupe large et magnifique,
ô gorge en marbre de Paros
ainsi qu'un ex-voto à Délos,
ô mer Egée,
ô thalassa de vigneraies,
ô mer de volupté
qui ondoies dans ma poitrine
de combattant à Marathon,
nous ne jurons que par toi,
parce que c'est toi qui entretiens
la flamme de notre espérance
en Notre Seigneur
Dionysos le Bacchos
ou le Baccheus,
le Dieu mirobolant
qui nous jette dans la transe
en nous lançant dans la danse circulaire
autour de Son autel
et hors de nous-mêmes
comme dans une extase!

Fais bouillonner, ô archipel d'amour,
la boisson qui fermente
comme dans un cratère de volcan
ou comme cet autre cratère
qu'est chez les Grecs
la coupe pleine à ras bord
de vin brûlant,
de vin ignescent,
de liqueur incendiée,
de nectar ardent
comme les côtes, finement découpées,
de l'Hellade
et comme les îles
qui sont autant de graines d'ambre
du chapelet ludique
de l'empire athénien!


Ô Dieu multiple,
ô démon polymorphe,
Dieu de Nysa,
Dionysos-Zeus le Crétois,
fais sourdre les sources
de vin odorant
de Téos, pays natal d'Anacréon,
rhapsode généreux
fait à ton image
et poète talentueux
comme un stratège de l'art lyrique
à la monture bachique!


Or, c'est à Téos, dit-on,
que tu es né,
à moins que tu ne sois né
en Elide, sur les bords de l'Alphée,
à Olympie la Bienheureuse,
ou à Thèbes la Tragique
où le Roi Œdipe
forma un couple dionysiaque
avec Jocaste, sa propre génitrice!


Oui, jaillis à Andros,
tête smaragdine et fine
des Cyclades,
de ton sanctuaire
comme les flots d'un vin embaumé,
d'un vin parfumé
de divine parousie!


Et accomplis pour une fois encore
une Théodosie
ou Don généreux de Dieu!


Car c'est à ta générosité
et à ton hospitalité
qu'on te reconnaît,
ô le plus hellène des Dieux
et le plus universel
et le plus achevé
des Métèques!


Ô Génie vermeil
de la fiole ou de la bouteille,
fais-nous tournoyer
au-dessus des flots capiteux
des prunelles châtaines
de nos brunes Bien-Aimées!


LE PAPILLON D'OR

RECUEIL INEDIT. MARS 2006