Chant de la Moisson


Ô jouvencelle aimée,
penche-toi ainsi qu'un papillon d'or
sur mon coeur ivre de sang chaud
et ivre de vin brûlant
comme sur une rose veloutée et écarlate
au parfum dionysiaque,
au calice semblable à une trompe de femme
et aux cent pétales de Pangée
ainsi qu'une rose orphique!


Roulons-nous, chère âme,
dans un champ embaumé,
parmi les coquelicots de Mai
et les narcisses de la perdition!


Oui, perdons-nous afin de mieux vivre,
noyons-nous dans un océan de froment
et, une fois morts,
changeons-nous en deux épis de blé
que Déméter moissonnera
avec la faucille de la Révolution solaire
au temps du Chien Brûlant,
c'est-à-dire de la Canicule
pendant laquelle les jeunes villageoises
dansent en rond
avec les travailleurs de la terre
tout en répandant
autour de leurs corps de cyprès
des chansons d'amour
venues du fond des âges,
les mêmes que chantaient passionnément
leurs aïeules à la saison de leur jeunesse,
vêtues de boléros cramoisis
au-dessus des dentelles
de leurs corsages,
cependant que les bruyantes cigales
labouraient de leurs prophétiques chants
l'air ardent de Corfou!


Nous serons alors devenus
deux belle vagues de désir
submergeant les plus hautes montagnes
de l'île des Phéaciens
où fleurit Nausicaa
et couronnant l'onde bleue
de la mer Ionienne
d'une guirlande double de safran
et de marguerites jaunes!


Dans notre course folle
à travers champs,
laissons-nous guider
par notre démoniaque monture,
notre petit âne espiègle
au sexe de Priape!


Oui, laissons-nous mener
par Bacchos,
le Dieu de la circulation du sang
et de la danse du coeur
au son des castagnettes de Phrygie!


Et avec du vernis à ongles
je teindrai en rouge
ton sein qui palpite
comme s'il était mû
par une musique alexandrine,
la même musique de flûtes à bec
qu'entendait Antoine
à chaque fois qu'il approchait Cléopâtre,
le Reine de sa Ville Mère!


LE PAPILLON D'OR

RECUEIL INEDIT. MARS 2006