Les Amours de Dionysos


Par les douces brises zéphyriennes
qui soufflent merveilleusement à midi,
alors que le feu de la chaleur torride de l'été
brûle ma chair,
je rêve sur une terrasse de café,
à l'ombre des grands peupliers blancs,
tout en fumant une pipe à eau,
tout en étant bercé
par le chant des Dryades
et tout en souriant
aux petites nues
toutes blanches!


Et de songer aux amours célèbres d'Anacréon
et, plus loin encore,
aux amours de Bacchus,
ce Dieu tard venu,
affolé par la beauté des femmes
et qui, pour un simple refus
de la part d'une dame,
se rend malheureux,
plus malheureux que le pauvre Pan
qui, lui, sait se consoler
de ses échecs en amour
par sa propre voix
qui le séduit outre mesure
et dont les modulations reprend Echo
dans la touffeur des bois,
parmi la rumeur des sources jaillissantes,
les sonnailles des troupeaux
et la clameur des fauves!


Je chanterai ici,
entre les amantes de Dionysos,
Nicaia, cette suave demoiselle
que Dionysos, l'aimable Libérateur,
endormit en lui faisant boire
son délicieux nectar
né du jus de la vigne
et à qui il ravit, en plein sommeil,
la fleur virginale
et qui n'est autre que la jeune épousée
dont le nom fut donné
à la cité de Nice la Marine!


Je chanterai aussi Aura,
dont le nom signifie en grec
la Brise,
car elle a des pieds d'ouragan
et court aussi vite
que les brises des montagnes!


À elle aussi mon Dieu
fit boire le doux breuvage
de la libération
et lui ravit à jamais la virginité
à laquelle elle tenait
comme une folle
à la raison égarée
et comme une fille orgueilleuse
et impie,
car il faut être impie
pour aller contre les desseins
de la Cythérée!


Cependant, je chanterai avec une égale ferveur
Corônis, la couronnée de roses,
dans la couche de qui entra Bacchos,
afin qu'elle conçoive
les Trois Charites
ou Grâces,
qui toutes trois se distinguèrent
au service de Cypris!


Mais comment ne pas
célébrer Ariane,
celle que les Hellènes appellent
Ariadné, la Crétoise
abandonnée par l'Athénien Thésée
et que Dionysos, le Sauveur des Dames,
emporta dans son char d'or,
tiré par des tigres,
sur le rivage désert
de l'île cycladique de Naxos!


Car c'est elle que le Dieu épousa
en des noces inoubliables
et fit sacrer Reine des Cieux
et Dompteuse des âmes
et Souveraine de la Crète, de l'Europe
et de l'Univers!


Et, après la mort de celle-ci,
Dionysos fit de son diadème impérial
la Couronne Boréale!


Dionysos fut-il, donc,
traître en amour
pour avoir aimé tant de fois
et avec la même passion
que Don Juan, son avatar?


À cela, je préfère ne pas répondre
et invoquer plutôt
la succession de ces servantes du soleil
que sont les Saisons
dont la si variée
et la si harmonieuse alternance
est nécessaire à la vie
dans le paradis terrestre
et à la marche du Temps,
l'inexorable Traître!


LES SERVANTES DU SOLEIL

RECUEIL INEDIT. JUIN 2006