Endymion et la Lune

Je suis le berger
qui ne dort jamais!
Car, pendant toute la durée de la nuit,
je demeure uni à la Lune,
sur une couche de lotus,
et sous la cime d'une montagne d'Asie!


En effet, cette Déesse
à la beauté de neige
m'emporte, dès le crépuscule venu,
sur son magnifique char d'argent,
tiré par quatre blancs taureaux
d'Andalousie!


Dès notre arrivée, elle s'écarte un peu
pour se déshabiller,
impudique et pure
comme la Déesse de la beauté,
comme Aphrodite, la Divine Prostituée!


Quand, enfin, elle s'approche à nouveau
de moi,
seule sa croupe nue fulgure,
baignée de sa propre clarté!


Et, l'arc omnipotent de ses hanches
tendu en arrière,
elle décoche dans ma direction
une unique flèche,
couronnée de lierre
rougi par les feux de midi,
et qu'elle plante dans mon coeur affolé,
mais éperdu de tendresse,
cependant qu'il se teint de pourpre,
couleur annonciatrice
du vin bachique
que tout à l'heure nous boirons
dans la même coupe
forgée par Héphaistos le Vulcain!


C'est alors que résonnera l'épithalame
composé par Apollon
et chanté par la Lune, sa soeur!


Ô toi, Etoile du soir,
astre de Vénus,
seconde-moi par ton éclat puissant
dans mon oeuvre de vie
qui consiste à baiser sur la bouche,
des milliers de fois
comme autant d'éclairs,
cette amante venue du ciel!


Ineffable est la beauté de sa face
dont les prunelles sont larges
comme les prunelles d'une génisse
et dont le regard est ample et circulaire
comme le regard d'une lionne
et perçant comme le regard
d'une aigle romaine!


Etreints par les lotus
qu'une brise bienheureuse
à peine agite,
nous nous étreignons à notre tour
jusqu'à ce que,
à l'aube de notre vie recommencée,
l'Etoile du matin paraisse,
elle-même une autre incarnation
de la Déesse de l'Amour!


Pendant cette singulière,
cette extraordinaire nuit d'amour,
à l'instar de l'antique Bacchus,
j'emprunte des formes multiples
au royaume animal!


Je me fais successivement
taureau cornu, lion à la toison fauve,
tigre tacheté de rubis,
panthère féroce
et je finis par me transfigurer
en un serpent, en une vipère
dont le venin
n'est que le suc de la vigne
qui enchante et enivre l'univers entier!


Or, je sors triomphateur
du lit béni de la Lune,
les cheveux enserrés dans un lien de vigne
entrelacée de lierre
couleur de vin,
tel Dionysos, le nocturne vagabond!


Cependant, au fond des forêts épaisses
qui recouvrent les sommets des montagnes,
je frappe les tambours neufs
de la victoire,
aux sons desquels danse Rhéa
avec le choeur des Déesses de l'Olympe,
ses filles augustes
qui font résonner les cymbales
et les crotales d'ébène!


Et la Lune de ma gloire
de parer sa tête
ivre de volupté
d'une guirlande de roses
plus vermeilles
que les roses de ses bras
et de ses doigts,
quand elle est pleine
comme une divine lampe d'Août!

ENDYMION ET LA LUNE

RECUEIL INEDIT. JUILLET 2006