À Marisol, Demoiselle De Grenade


Ta voix insinuante
d'orange amère
me fait entrer à pas lents
dans un univers d'agrément,
de plaisance,
de raffolement,
d'attifement, de fard,
de demoiselle de Grenade
à l'éventail de Chine,
aux yeux d'amande syriaque,
aux cils veloutés
comme l'ombre des nues
au crépuscule cramoisi
et noir,
aux paupières
de nuit de Cuba,
aux sourcils
comme des voyages carthaginois,
à la raie au milieu
de la tête ébenine
et chère,
au front beau
comme le clair de lune,
aux oreilles
comme des calligrammes
du Livre révélé,
au menton pur
comme une pêche blanche
non encore cueillie,
au châle de soie andalouse
passé autour du long cou
d'ivoire,
aux épaules nues
de blanche aigrette,
aux bras de cygne,
à la bouche
d'aurore rose,
au nez comme la finesse
de l'Amour supérieur,
à la joue haute et droite,
couleur de dragée
de mariage impérial,
aux cernes
de Destin éblouissant,
au torse
de statue égyptienne
de Nefertari,
aux mains petites
portant pour bagues
des astres,
aux doigts de colonnes
de cathédrale espagnole,
aux ongles non peints
pareils à des perles taillées,
à la sombre ceinture
fermée par une boucle
étrange de météore,
au regard
de feuille de cigare
de La Havane,
roulée par une habile
cigarière
ou de chanson
de Manuel de Falla,
ou de nuit de fandango
se poursuivant jusqu'au jour
dans une noire taverne
de Cordoue,
à la figure
d'anéantissement
des mondes révolus
par le trident vengeur
de Shiva
et remplacés par un monde
de grande lumière,
ou de jacinthe rose
se mirant dans la fontaine
du premier matin
de la Terre,
ou de guerrière sauvage
de la maison de Clermont,
ou de Bradamante,
femme de Roger,
ou de fille Lara
ou, enfin, d'amazone
se baignant
dans les eaux blanches
du Thermodon!


Ô Grenade,
ville bénie
et parmi toutes les cités
reine,
tes filles
sont la montagne
ou naît la rivière
des troubadours
à la fois chevaliers
et hommes courtois!

Et toi, Marisol mon amante,
tu es un hymne d'Amour
élevé par un Poète-Roi!


LA VIGNE DU SOLEIL

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2004