En Hommage à Pan


À Angélique Koumanoudi,
Hiérophantesse du Dieu.



Le soleil de Juillet
comme un phénix enveloppe de ses plumes en feu
la forêt de pins!


Et moi, assis sur la margelle d'un puits
où je viens de me désaltérer,
de jouer sur mon pipeau de pâtre
un nouvel air nuptial,
destiné aux noces d'autrui!


Or, à une époque où tous
ou presque tous les désirs
sont comblés,
moi, j'en suis toujours
à courir aux plaisirs d'Aphrodite,
toujours inassouvi,
toujours assoiffé de baisers
à prendre et à donner,
à l'image de l'antique Pan,
de ce Dieu solitaire,
le plus infortuné des amoureux,
lui que les femmes affolent
sans, cependant, céder
à ses avances sans nombre
et sans répondre à ses oeillades d'été!


La plus célèbre d'entre elles
est sans doute l'errante,
la fuyante Echo,
à qui Pan ne parvint jamais
à dénouer la ceinture virginale,
à elle qui ne brûle
que pour le méprisant Narcisse!


Cependant, je m'estime
encore plus malheureux
que Pan lui-même,
puisque, à la différence de celui-ci,
je possède le vin des propos enchanteurs,
apanage de Bacchus,
oui, comme ce dernier,
j'ai planté la vigne des Amours,
laissant à l'abandon
mes brebis et mes chèvres paniques,
puisque j'ai épousé la condition
de vigneron de l'amour!


Pourtant, je ne suis jamais arrivé
à endormir par le vin des paroles enjôleuses
la vigilance d'aucune vierge,
d'aucune épousée!


Et même les jeunes femmes
qui ont perdu leur virginité
n'envisagent jamais
de m'engager à leur galant service!


Voilà la raison pour laquelle
j'ai choisi sur le tard
de te chanter, ô Pan,
lubrique puceau
aux pieds de bouc,
courant à travers les bois
à quelque Cypris clandestine,
connue et appréciée
de toi seul!


C'est que tu es, ô Pan Bien Adoré,
le plus parfait des amants,
le plus dévoué,
le seul fidèle jusqu'au bout!


Et voilà pourquoi,
tu es délaissé par les Nymphes
qui ne prêtent foi
qu'aux amants volages,
pour la bonne raison
qu'elles sont elles-mêmes
inconstantes et pleines de ruses
et, donc, insensibles
à la religion de l'Amour véritable,
fondée par toi,
ô Immortel Pan!


Oui, les fées de la forêt
et les Naïades
sont indignes de l'amour
du Grand Pan
dont la flamme a pour origine
l'ancestral brasier
qui bout au centre de la Terre Eternelle,
la Mère de tout!


Ô Pan, aïeul de tous les aèdes,
tu es leur coeur
et leur esprit
et tu partages avec eux
le même rêve insensé,
le rêve d'une Amour
farouche et amène,
savante et fidèle!


Ô Pan, Poète de la solitude,
tu es le Créateur de notre joie,
de la joie de tous les êtres
pourvus d'un corps terrestre
et dotés d'une âme céleste!


Toujours je louerai
ta divine fonction,
cette amoureuse chorégie!


Ô Danseur, ô Musicien incomparable,
ô Dispensateur de félicité,
je te salue
et me prosterne devant ta haute figure!


Venez tous autour de moi!
Je dirai les courses incessantes
de notre Dieu,
sa syrinx mélodieuse,
son histoire merveilleuse!


Je dirai comment,
malgré l'indifférence de toutes les Nymphes,
malgré la trahison d'Echo,
il porte haut
le flambeau de l'amour
et en est l'Incarnation!


LE VIGNERON DE L'AMOUR

RECUEIL INEDIT. 20 JUILLET 2006