Ariane à Naxos


Ô Ariane
que les Grecs appellent Ariadne,
Thésée, ton doux fiancé,
parti de nuit,
t'abandonna endormie sur la grève de Naxos,
cette île ronde et opulente
comme ta hanche,
et prit la mer pour Athènes
où il alla accomplir sa destinée
dont tu seras absente!


Tu avais, pourtant, vu en rêve
ta glorieuse arrivée à Athènes,
tes noces avec l'Athénien,
les autels de l'Amour
parés de fleurs printanières
et les vierges Atthides
entonnant le chant d'hyménée!


Quel fut ton désespoir,
puis ta colère,
quand l'aube a lui
sans que ton fiancé apparaisse!


En vain tu t'en prenais à l'Aurore
parce qu'elle t'a arraché
à ton songe suave,
en vain tu accusais la brise jalouse
qui emporta la nef fatale,
en vain tu accablais de reproches
et de malédictions la Paphienne Aphrodite,
tisseuse des amours,
en vain tu invoquais les vents
dont l'indifférent Borée
et le Zéphyr
dont Iris, autrement dit l'Arc-en-ciel,
est la femme!


De guerre lasse, tu te recouchas
sur le rivage désert,
espérant la venue de quelque rêve nouveau
qui mettrait fin pour toujours
à ta détresse!


Cependant, un Dieu t'entendit!
Ce Dieu, c'est Dionysos, le Fils de Zeus,
le Père des Grâces
et le Frère d'Apollon!


Dans ses yeux flamboie une surnaturelle,
une extraordinaire beauté,
don de l'Immortalité!


C'est le Dieu qui te consolera
de tes malheurs
par Son Verbe,
à la séduction duquel
personne parmi les hommes et les Dieux
ne sait résister,
et par la fascinante Persuasion
qui émane de Lui,
ce Magnificent, ce Bouleversant!


Et il te démontrera,
aussi bien par ses arguments,
plus percutants que des éclairs
dans le firmament,
que par sa forme divine,
qu'aucune amour d'homme mortel,
quand même celui-ci serait un héros,
ne vaudra jamais
l'amour d'un Dieu
et qu'Athènes, cette cité
dont tu rêvais de devenir la Reine
aux côtés du Roi, ton époux,
est moins glorieuse
que le Ciel infini
et que Cnossos,
ta ville natale que maintenant tu regrettes,
est moins haute que l'Olympe,
demeure des divinités
et où désormais tu séjourneras,
une fois ravie par le grand Dieu!


Le voilà qui s'avance vers toi,
debout sur un char d'or
tiré par des lions,
la tête couronnée de lierre
et un sarment de vigne à la main droite!


Et, déjà, ton coeur tressaille,
ô auguste Crétoise,
à ce spectacle qui serait inquiétant,
s'il n'était prodigieux!
Ton voeu d'un songe nouveau
est accompli!


Non, nul homme pieux
ne t'en voudra de ton revirement,
ô noble jouvencelle!
Suis, oui, nous le voulons,
suis ce mari venu des airs!


Déjà, Bacchos a fait naître des fleurs
et des pampres autour de la chambre nuptiale!
Pasithéa, l'une des Charites,
commence à chanter l'hyménée,
cependant que les Naïades
célèbrent cette union
entre une mortelle et un Immortel!


Et Eros de tresser
une guirlande de roses pourpres
dont il fera une couronne sidérale
qui sera la tienne
et que Dionysos, après ta mort,
fixera dans le firmament!


LA FAUCONNE ET LE CLOS DE VIGNE

RECUEIL INEDIT. AOUT 2006