Hymne à Eros
Porté par la musique ardente des cigales
sur les sommets boisés du Pélion
et sur les cimes escarpées du Parnasse,
je bois dans une coupe de bronze
du vin doux comme le miel attique,
le plus suave des miels fameux,
et j'apprête ma cithare
en écaille de tortue
afin d'entonner un chant
aux accents de miel!
Aidé par Apollon
qui m'envoie dans l'âme
ses mélodies subtiles,
je chanterai comment,
à partir du Chaos originel,
se sont formés les éléments,
comment le Ciel constitua l'univers,
comment la Terre au vaste poitrail
a émergé du magma galactique!
Je dirai surtout la naissance d'Eros,
que les hommes appellent Phanès,
car il est apparu le premier
d'entre les Dieux,
engendré par le Temps
et qui, lui-même, donna naissance
à la Nuit!
Ô Eros, Ô Amour,
à chacun des mortels
qui se porte candidat à tes faveurs,
tu verse à boire,
dans une coupe magnifique en or,
du sang de taureau
mêlé à de l'eau de mer!
C'est un savant
et très fort mélange
dont on peut mourir,
mais il est bénéfique
pour certains hommes et femmes
au tempérament puissant et complexe,
car il peut aider
à faire revivre l'élan vital,
jusque-là caché,
dissimulé par la torpeur du Léthé
et par l'eau noire du Styx!
Voilà pourquoi,
tout en étant d'un effet
pour ainsi dire funeste,
tu es le plus joyeux
et le plus alerte des démons familiers!
Voilà pourquoi, aussi,
on t'associe à Aphrodite,
la bienheureuse fille de l'écume,
dont on fait ta Mère innocente!
Innocent, tu l'es, en effet!
Mais que de malignité dans ton trait
qui peut tuer,
mais aussi rendre son génie
au poète
désespéré de l'avoir perdu!
LA CITHARE FRANGEE DE FLAMMES
RECUEIL INEDIT. 25 AOUT 2006