Le Chant Du Poète


Ô Héronneau de mon Amitié,
tu te caches délicatement,
presque peureusement,
dans la héronnière de ton Rhône,
hésitant entre jeu de volupté
et gravité d'Amour,
ignorant, en réalité,
que mon Désir
s'étend aux confins du Monde
et qu'il n'est nullement attentatoire
à ton Âme!

Déjà, ma chaleur préestivale
entoure l'églantine jaillissante
de ton Coeur,
chargé de Futur,
comme le Ciel est chargé d'astres
et le fusil de balles!

Montée à l'échauguette blanche
de ton sein parfait,
tu y guettes ma caresse précoce,
ne sachant à quelle Déesse,
Athéna ou Aphrodite,
vouer tes sens,
qui, pourtant, ne se trompent pas à mon égard!
Et tu ne cesses
d'osciller entre pudibonderie d'Occident
et lubricité d'Orient,
humiliant ainsi ma pureté,
ajoutant au tourment d'incommunication
la souffrance de l'Absence
et celle de l'Exil,
état quasi-naturel
du Poète!

Tu es, pourtant,
l'héligare d'où je pars
vers l'azur,
et où je reviens,
fier de ma Connaissance azuréenne
et ne voulant plus
que chanter sur terre
les oiselles du Paradis terrestre!

Tu es l'escargot fin,
objet de mes attentions
d'héliciculteur!

En vérité,
tu es née de moi,
comme un poisson rouge
dans l'aquarium de l'Esprit!



Et je suis le dinandier
qui a poli ta hanche
avec le polissoir des Dieux!

Ô Vallée de lys
et champ de tubéreuses,
le soupçon de grivoiserie
et de gauloiserie
a pendant trop longtemps
pesé sur mon existence!

Sache que je suis
aussi vrai qu'une fleur
de Mai andalou,
ou qu'un faucon,
ou qu'un jeune Amant!

Ô Belle comme une héronne,
à toi je donne mon bras
et ma Vie!

Démens, je t'en prie,
le soupçon insolent,
donne raison au Sage
qui est mort
d'avoir loué le Soleil innocent du Désir!


LANGUES DE LEOPARDS

RECUEIL INEDIT.