Portrait de la Femme Libre
Je ferai ici une esquisse de la femme libre,
cet être à l'identité usurpée ou confisquée
par les grandes religions laïques
qui comme des énormes vagues de boue
et des violents torrents
de vase gluante
ont ravagé au siècle dernier
l'Occident parvenu au terme de son histoire,
ne laissant sur leur passage
que ruines, que terres en friche,
que barbarie!
Oui, une femme libre,
c'est avant tout
une femme fondamentalement bonne,
amène comme une Hindoue,
tendre comme une Turque,
affable comme une grande dame romaine,
courtoise comme une comtesse de naguère
et suave comme le miel blond et épais
d'Attique!
Oui, elle doit être exempte
de toute bassesse, de toute trivialité
et de toute mauvaiseté,
car ce sont là les qualités
d'une femelle vulgaire!
Oui, aussi bien la liberté
que la lascivité, la luxure
et la lubricité
ne s'acquièrent qu'au prix élevé
de la bonté, de la naïveté,
de l'ingénuité et donc, de l'innocence,
toutes valeurs tenues en mépris
ou tournées en dérision
par les vilaines et les vilains
que je dénonce au soleil,
à la lune, aux météores
et aux galaxies
comme superflus,
indignes d'amitié,
abuseurs des lois vitales
et ennemis de tout plaisir
autre que le plaisir tiré
des exercices spirituels
d'un Ignace de Loyola,
ou de la gymnastique sexuelle
d'un marquis de Sade
ou des fers et des fouets
d'un Sacher-Masoch!
Car tous les plaisirs
prônés par les prétendus modernes
ne relèvent que du jésuitisme pur
et de ses succédanés!
Ce ne sont là qu'autant de chancres,
qu'autant de rumeurs
développés par le corps,
précocement vieilli,
de Septentrion!
Je dis précocement,
parce que la prétendue Vieille Europe
n'est que récemment apparue
sur la scène du monde,
relativement à l'Inde, l'Iran,
l'Arabie ou la Chine!
Oui, l'Europe et l'Amérique nordiques
sont le grand malade
sur le chevet de qui
se penchent les plus hautes autorités
de l'Orient et du Midi!
C'est que la civilisation
n'y est pas un fruit indigène,
mais une plante exotique
apportée par les grands vents
qui jadis soufflaient
dans les hauts plateaux d'Asie!
Tout autre que les insipides divertissements
ou même les bacchanales,
tels que les pratiquent
les nations dites grandes d'Occident,
est le plaisir
que les poètes de tous les pays
ont toujours chanté
et qu'à leur suite
moi aussi je loue!
Il est la volupté orgiastique,
telle que l'entendaient
les Grecs à leur zénith
et les Romains sous Auguste:
un excès, une surabondance de forces,
une exubérance, une gaîté,
un enchantement, une ivresse,
un gonflement du coeur
causé par l'orgasme de la chair
et l'exaltation intellectuelle!
Ô peuple d'Europe,
as-tu déjà effacé de ta mémoire
les vers de ton Baudelaire,
gravés pourtant en lettres d'or,
sur le marbre des portiques?
As-tu perdu toute souvenance
du luxe, du calme
et de la volupté
que cet amoureux génie
célébra?
Or, pour qu'une jeune femme
soit libre,
il faut qu'elle possède
une psyché féconde,
qu'elle soit luxuriante
comme une forêt tropicale,
précieuse comme un rubis
ou un diamant,
folle dans ses transports!
Mais il faut aussi
qu'elle ait toute sa raison,
comme l'exigeait d'elle,
le pieux Apollinaire
en des vers fameux!
PELERIN DE L'AURORE
EDITIONS ENCRES VIVES. MARS 2005