Le Poète Maure


Je suis un Maure
nostalgique de l'Infini,
enraciné dans les seules dunes du désert
et dans les seuls flots
de la mer qui borde ce désert!


Je suis un Bédouin nomade
qui a le mal du pays d'au-delà des mers,
d'au-delà des cieux,
des pays aux temples de la Grande Déesse,
du pays qui n'existe peut-être pas,
ou qui a existé, il y a plusieurs millénaires!


Seuls viennent interrompre
le silence de mon exil
les essaims d'hirondelles
striant l'azur immaculé,
le chant des alouettes,
le parfum des mimosas en fleurs,
le vent ardent qui souffle du Soudan,
la douce conversation des cacatoès,
la chair des jeunes femmes,
le sourire des hourias,
le rire des Déesses,
le regard suave des chérubins du printemps
et la musique des séraphins!


Et je monte la garde
devant le jardin des Hespérides,
où des pommes d'or
mûrissent sur les arbres
aux feuilles fraîches
comme des émeraudes,
au milieu des chants
de la brise de mer
et du souffle qui vient de l'Atlas
rafraîchir l'haleine chaude
de l'été maure!


C'est dans ce jardin béni
que se trouve le puits enchanté,
d'où, à la nuit mourante,
je tire l'eau de mon rêve diurne,
car sur cette terre,
je ne puis compter
que sur le pauvre bagage de mon corps
et sur les ailes de mon imagination,
qui, ouvertes, s'étendent
jusqu'à Cuba, à l'ouest,
et, jusqu'à Tahiti, à l'ouest!


C'est que je ne suis lié au monde
que par le collier des perles embaumées
du songe,
celui qu'au couchant
je mets autour du cou de la Bien-Aimée!


Et de me vanter
d'être un homme libre,
bien que des chaînes très lourdes
m'attachent au troupeau humain,
lui-même livré
à des bergers plus féroces
que des loups!


Mais je me souviens
qui disais dans ma jeunesse
que j'étais brun de sagesse!


Oui, mon teint tanné
a gardé l'empreinte
des soleils de la joie surnaturelle
qui m'ont brûlé le visage,
quand j'errais à travers des solitudes,
comme un moine mendiant!


Hélas!Je ne demandais
que l'aumône de l'amour
et la miséricorde de la tendresse,
ou le don d'un baiser sur la bouche,
toutes choses que personne
n'accorde,
que tous refusent,
si ce n'est la Déesse d'Egypte,
Notre Primitive Mère,
Notre Naturelle Souveraine,
Notre Première Madone!


NAISSANCES OLIVARESQUES

RECUEIL INEDIT. OCTOBRE 2004