Les Noces d'Aphrodite et de son Poète


Ô jeunes filles du bord du Céphise,
vêtues de bleues plumes de paon
et chaussées de sandales de soie,
tressez des couronnes de blanches violettes
dans le sanctuaire pur
où seront célébrées mes noces
avec la sainte Cypris,
la mère des fleurs,
la Paphienne aux cheveux d'hyacinthe,
Aphrodite, la chaste hétaïre,
l'Auguste Déesse des cygnes,
la souveraine des lionnes fauves
et des tigresses au ventre velouté,
la lune-reine,
la soeur du soleil,
la lumière d'Argos la Splendide,
la Crétoise d'Idalie,
la belle de Chios,
l'impératrice des cinq océans,
l'acanthe safranée d'Hélène de Sparte,
la Vierge de Byzance
au péplos de pourpre!


Car elle est l'unique sujet
de toutes mes odes,
l'objet de toutes mes conquêtes,
la guerre dans ma paix,
la paix et la quiétude
de ma guerre pour un fragment du firmament,
pour une once de terre noire,
et pour les perles de la mer!


Que Artémis l'Ephésienne
aux vingt mille seins
soit la prêtresse qui bénira notre union
par des libations de lait, de miel,
d'huile et de vin en l'honneur de Dionysos,
le garant de notre ivresse,
le consécrateur de notre extase,
et par des immolations de brebis grasses
et de vaches cornues sur les cent autels,
en hommage à Déméter,
divinité terrestre de la fécondité
et des blondes moissons,
celle qui s'incarne
dans le pain de chaque jour!


Que Eros soit notre paranymphe
et Philomèle la fille d'honneur!


Et qu'un coeur de courtisanes sacrées
chante l'hyménée universellement attendu!


Que des danseuses de temples ioniennes
égayent cette fête
de leurs pas aériens
et de leur gestuelle symbolique!


Puis, j'emporterai ma jeune épousée
sur un char d'airain,
tiré par six cavales de Thessalie
aux rênes d'or,
et, ensemble, nous nous dirigerons
vers ma demeure,
où le marbre le dispute
au bois d'Afrique,
et dont le seuil sera illuminé
de guirlandes de myrtes!


Et cette cérémonie,
qui longtemps restera dans les mémoires, s'achèvera par l'accomplissement
du rite de la virginité sacrifiée,
consistant dans la présentation
du drap ensanglanté
à l'ecclésia du peuple!


Car, comme Anchise jadis,
j'aurai dénoué
la ceinture de la déesse des cieux
et aurai joui de ses parures naturelles,
de la profondeur de sa chair
et des astres de son ciel,
en une volupté inconcevable
pour le commun des mortels!


Ainsi, commencera une vie nouvelle,
jonchée de roses,
où, en une aube prolongée indéfiniment,
éternellement chanteront
les merles de Céphisie
et les rossignols immortels,
hérauts du printemps des amants
et prophètes de l'été
des jeunes mariés!


PELERIN DE L'AURORE

EDITIONS ENCRES VIVES. MARS 2005