Le Poète et sa Dame


En vous, Madame,
la déesse est devenue visible
à travers les roses rouges de vos yeux
et les pétales d'oeillet pourpre
de votre bouche!


Et la déité s'est rendue palpable
dans la joie ineffable de votre peau
et dans la couronne charmante de votre pubis,
pareille à un péristyle antique
aux colonnes basaltiques
où les anges aspergent les poètes
d'eau de ciel
recueillie dans des palmes de cycas,
plongées dans les urnes de pluie!


C'est qu'une ondée divine
grava sur une feuille de bronze
votre visage
avec le burin des astres
qui illuminaient d'en haut
les nuées sombres,
cependant que la nuit descendait
sur votre vulve
pareille à une fougère de Bretagne
ou à une rose de Noël!


Et de chanter,
en vous accompagnant de votre luth de sainte,
la lente pénétration de ma pensée
dans le portique ailé de vos élytres
sous la forme d'une prunelle
cueillie dans le jardin
des sages de Chine!


Considérez, je vous prie, chère dame,
considérez votre face
dans le miroir que je vous tends
comme une fleur de mon verger!


Vous y verrez les stigmates de votre ardeur
à dénoncer au zéphyr
votre inextinguible passion,
conséquence de mon glorieux souci
pour votre indicible beauté!


Sans doute, est-ce un signe de prédilection
que mon souci de votre insigne grâce
célébrée dans les couches supérieures
du firmament par les séraphins
qui jamais ne se préoccupent
des beautés communes!


Et sans doute aussi,
vous échappez à cette loi inviolable
qui veut qu'une femme distinguée
ne se départe de son impassibilité
qu'en échange de services rendus par son serviteur galant!


Le seul service que vous reconnaissez,
c'est que je brûle pour vous
d'une amour immortelle
où transparaît une nouvelle manière
de sentir et de dire!


COEUR DE CINABRE

EDITIONS ENCRES VIVES. SEPTEMBRE 2005