L'Elégie de l'Amour Unique
Mieux vaut somme toute
une hutte sur la montagne,
dans la froidure et dans la neige,
qu'un palais somptueux
dans la vallée traversée de riches rivières
et d'où le soleil de la chaleur du corps,
de la ferveur de l'esprit
et de l'amour extrême
est absent!
Mieux vaut être seul
comme Saint Jean Baptiste
et se nourrir de miel et de sauterelles
que dévorer force figues et châtaignes
et viandes et volailles
dans la gêne et la laideur de la promiscuité
à travers la fréquentation
de la canaille
et le partage de nos plaisirs
avec les rustres et les femmes vilaines!
Mieux vaut le long désir sans espoir
pour une dame de passion enflammée
et de joie seigneuriale
que le don à volonté,
d'ailleurs fictif et illusoire,
de mille donzelles
vêtues de pantalons moulants
ou de jupes courtes
et qui, ayant l'âme basse et ténébreuse,
ne recherchent que confort, servitude,
ennui et désinvolture à deux!
Mieux vaut une courtisane ancienne,
une hiérodule, une hétaïre,
une danseuse du temple hindoue,
une esclave de harem algéroise,
ou une geisha
que mille Lolitas modernes,
triviales, insipides, insignifiantes
et communes et déraisonnables,
sarcastiquement se mirant
dans la bêtise des hommes
que la Circé démoniaque de l'âge industriel
a métamorphosés en pourceaux
à l'état stationnaire
dans la porcherie de la décadence!
Or, je voudrais retrouver
ma condition première de pérégrin
sur les routes poussiéreuses
et m'en aller, sac au dos,
de par le vaste monde,
à la recherche de l'unique Aimée,
de la si lointaine étrangère,
si proche et si intime
comme une douceur dans mon ventre,
et qui aujourd'hui demeure
dans la vallée prédestinée
de Mexico l'Aztèque,
à moins qu'elle n'ait déjà quitté
cette vie amère
et toute couverte de larmes
pour le séjour des délices inconnues!
Oui, je n'ai aimé
qu'une seule fois,
une seule personne
pour qui je continue à brûler
avec la même intensité,
aujourd'hui comme hier,
car mon amour,
non seulement ne décroît avec l'âge,
mais toujours resplendit, toute verticale
dans la lumière la plus éblouissante
et emplit l'horizon
comme la fumée d'une cabane
dans les Andes!
Et ma joie,
que tant on m'envie
en cette saison crépusculaire,
gît dans le souvenir,
enraciné dans mon cerveau,
de la dame de mes pensées,
cette fontaine profonde,
ombragée des lauriers
de l'espérance,
ces mêmes lauriers
qui à l'aube de la Renaissance
ceignirent la tête de Pétrarque,
en l'an de grâce 1341,
sur la colline du Capitole,
et qui furent un hommage
à son amour pour la divine Laure!
Mon amour pour vous,
Madame,
aura été plus longue
et plus joyeuse
que l'amour de Pétrarque
pour Laure la blonde!
Car vous êtes la plus noble,
et vos yeux sont noirs
comme la certitude!
MELEES D'AMOUR
RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2005