De la Vaillance du Poète-Amant
Tes ébats de jeune fille chaste
me transpercent le coeur
avec la lame coupante du désir
et tes folâtreries de vierge du Midi
me brûlent l'âme
de toute la flamme
du soleil de Grèce!
Et je te serre contre la poitrine
afin d'exprimer ton miel
comme une orange
que je presserais dans ma bouche
afin d'en exprimer le jus!
Et je fais une bouchée
de tous tes appas
suaves comme les mets les plus succulents
d'un festin d'Anacréon,
accompagnés de force prières à Aphrodite
afin qu'Elle daigne comprendre
et qu'Elle veuille pardonner
à moi, le martyr de l'amour,
cette charmante peccadille
qu'est mon union lascive avec toi!
Certes, cette Déesse est jalouse
de tout hommage luxurieux
rendu par Son poète
à toute autre qu'Elle,
voire à une mortelle!
Mais je pense
qu'Elle voudra quand même
se prévaloir à mon égard
de sa tendresse pour Son serviteur
et galant!
Et je porte ma main aventureuse
sur ton aine gauche,
cependant que toutes les montagnes
de l'Attique
soupirent et gémissent
d'aise et de volupté
et que sur les routes caillouteuses
cahotent les carrioles
tirées par les doux ânons du plaisir
et cependant encore
que les jeunes femmes grecques
goûtent aux loukoums à la rose
de Syra
qui collent à leurs belles dents
toutes blanches
comme une âme de rossignol
amoureux des roses blanches!
C'est pourquoi, ta voix fraîche
et délicate,
où passe tout le souffle
de la mer Egée
me rassure et me dorlote
et me berce et me caresse
jusqu'au tréfonds de mon coeur!
Ton intonation même
et ton choix étonnant
de mots élégants
me prouvent, s'il en était besoin,
que tu es docte et savante
tout en étant une enfant
douce comme une pastèque d'Août
et croquante comme une pomme rouge
de Thessalie!
Et je me ceinture de tes jambes
levées comme un pont-levis
et je laisse glisser
l'oiseau d'Héra
sur le feu pétillant
où tu grésilles d'impatience,
pendant que toutes mes jointures
craquent
et que toutes tes coutures
craquent aussi!
Dans cette mêlée
où seuls réussissent
les hommes et les femmes
les plus vaillants aux travaux amoureux,
nous faisons face aux éléments déchaînés
et en rage,
au vent messager du printemps
qui soulève la mer
en vagues qui s'attaquent aux brise-lames
et à l'azur violent de Février,
ce mois qui, plus il est froid,
mieux il annonce
la moisson de la Saint-Jean
et les vendanges de Septembre!
Puis, quand vient le matin
nous chantons ensemble notre amour
en nous tenant par la taille
comme deux merles blancs,
perchés sur le pin le plus haut
du jardin des délices!
LES DOUX ANONS DU PLAISIR
RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2005