Chant d'Ivresse Persane


Ô jouvencelle adorée,
quand, éblouie de ta propre beauté,
tu passes dans la rue étonnée,
mon sang se met à couler
comme un torrent brûlant dans mes veines,
mon coeur devient un soleil torride
et ma respiration s'arrête!


Et je déchire mes vêtements
et je marche tout nu
dans la nuit fraîche
et je crie comme un rossignol égorgé,
agité, fiévreux et abattu,
au comble de l'accablement,
au zénith de la folie
et au nadir de la raison!


Car devant toi
narcisses et jacinthes,
roses et lys,
anémones et marguerites et asphodèles
s'évanouissent!


Et la lune, honteuse, se cache
et se fait humble,
n'osant pas rivaliser
avec ton visage asphodélé!


C'est que ta face est
une des lunes de Saturne
et brille d'une lumière inconnue
et resplendit d'un éclat inouï,
édénique, élyséen et paradisiaque!


Elle est comme une rose
accablée de rosée
et comme une tulipe
qui vient de naître!


Et les hirondelles, en te voyant,
s'arrêtent de voler,
ne veulent plus prendre de nourriture
et veillent sur la terrasse de ta maison
dans l'attente et dans l'espoir insensés
d'un seul de tes regards sorciers!


Et je saisis des yeux de mon âme
tes hanches qui se balancent
comme des cyprès dans le vent
et tout ton torse
qui tremble comme un peuplier
dans la brise!


Aussitôt, un fleuve de délices
jaillit comme un Gange débordant
de ma poitrine
et de mon ventre!


Et ta taille est
une tige de bambou pourpre
qui me poignarde
comme le couteau d'un assassin,
plantée qu'elle est
dans les dunes mouvantes
de tes fesses sablonneuses
comme le Sahara!


Tu luis dans mon cerveau
comme le soleil
au milieu des nuages émiettés
du crépuscule!


Comme un lion
je souffre de la beauté de ton corps
pareil à un buisson ardent!


Et je distribue tous mes biens
au peuple
et m'en vais demander
l'aumône d'amour
aux belles de ma cité!


L'amant véritable
ne se dépouille-t-il pas
de tous ses biens
à la seule vue da la Bien-Aimée?


Et ne devient-il pas mendiant
en présence de son amante?


Homme du Sud,
je connais tous les tourments
de l'amour arabe
et je pleure et je ris
comme un ivrogne persan
qui se ruine dans les tavernes
où il se croit un Croyant
dans les mosquées de la tendresse!


LES DOUX ANONS DU PLAISIR

RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2005