À l'Arbre-Femme
Ô mon cèdre incorruptible du Liban,
toi qui naguère faisais don de ton ombre
au palais du pharaon,
toi dont le verbe
constituait le temple de Salomon
ainsi que le Tabernacle,
je ne suis qu'un lierre de Bacchus
enroulé autour de ta psyché,
qu'un pampre du soleil,
voisin de ton coeur,
tant, que je ne désirerais
quitter cette vie
que dans une barque
composée de ta chair!
Ô toi qui offres ton huile
aux jeunes femmes
afin qu'elles en parfument leurs cheveux,
que cette tienne huile
embaume ton serviteur
et modeste galant que je suis!
Ô mon cacaotier toltèque,
planté par la lune
au juste milieu du jardin de l'Eden,
c'est à grande peine
si je vaux cent fèves de ton amour
dont je suis l'esclave
si peu méritant,
que c'est à peine
si les dieux et les déesses
acceptent de se nourrir
de mes oblations de pain,
de parfum et de chants!
En effet, comment une femme
comme toi,
qui jadis appartenais
au harem de l'empereur mexicain,
voudrait-elle partager la couche
d'un Blanc sans foi ni loi?
Daigne au moins
me laisser contempler
tes prunelles d'un noir émail,
pendant que je bois
ma tasse quotidienne de chocolat
en hommage à ta brune
beauté immémoriale!
Ô petit cabri de mon âme,
toi qui gambades sur les pierres du chemin,
toi qui grimpes sur les rochers,
à la recherche de figuiers solitaires,
sois le plaisir qui se donne
à ma cithare orphique!
Viens, saute dans mon fin cabriolet,
attelé d'un petit cheval rubican
et, enlacés, nous irons ainsi
jusqu'à la porte du palais
de la déesse
dont tu es la fille
et où toi-même tu demeures
au milieu des caresses de ta mère
et de la tendre attention
de tes chambrières!
Permets encore,
qu'une fois arrivés à notre destination,
je te chante sur ma lyre
comme mon amie et ma soeur,
ô muse du paradis
et musc de la sagesse!
Ô mon cerisier de l'aurore,
toi que les geishas
de mille façons honorent
entre les bras des hommes,
tes fleurs sont aussi innocentes
que ma propre mère,
tant elles évoquent pour moi
ma naissance,
loin, très loin de toi,
sous un grand baobab,
mais si près de ton rêve
vaste comme le monde,
mais frêle comme un pistil
de fleur de cerisier
à l'aube!
HECATOMBES DE LUMIERE
RECUEIL INEDIT. DECEMBRE 2004