Le Poète Apostat


Ô créature archibelle,
ornement de notre cité
et flambeau de la femme!
Je ferai bonne chère
et beau feu
du nectar de tes seins riches
et de l'ambroisie de ta croupe grasse!


C'est que la plastique du corps féminin
est ma patrie
et la nature ma mère!
Et je m'en vais faire la guerre
avec pour seule bannière
le blason de la Bien-Aimée
et pour seule bombarde
votre hanche luisante, Madame!


Je ressens le très flaubertien
vertige de la beauté,
déchiré que je suis
entre la témérité de mes chants
et ce qui peut m'arriver
dans le rêve de chaque jour!


Et de la courbe de tes fesses
je fais un arc-en-ciel admirable
avec toutes les couleurs rêvées de l'iris,
un de ces arcs qui apparaissent
à l'horizon après une pluie d'hiver
où l'âme s'estime heureuse
d'avoir échappé au péril de périr
et se remet à espérer l'été!


C'est que ton embonpoint est si délicieux,
si charmant,
qu'il me fait songer
aux faveurs accordées autrefois
au laboureur ancien
par les terres opulentes d'Asie Mineure
ou par le sol fertile de Sicile
ou de Campanie!


Ta symétrie de saule souple
ou de peuplier blanc
me fait rêver à une après-midi langoureuse
de Mai en Attique,
ou au rire frais et sonore
d'une belle Grecque
aux hanches luxuriantes
ou au doux sourire
d'une jeune Turque
aux traits empreints de finesse
et au mouchoir de tête turquoise!


Oui, ta chair dénudée,
potelée à souhait,
me rend fier de mon oeuvre
simple, nue et vraie,
toujours allant par des chemins
bien dessinés
à l'essentiel,
tout en évitant
la Scylla du surréalisme suranné,
sans pour autant tomber
dans la Charybde du classicisme sénescent!


Oui, je suis fier d'être
le Julien l'Apostat
des temps modernes,
l'apostasié de la religion dogmatique
de mon siècle déliquescent et fatigué!


Oui,je suis un idolâtre irrepenti,
un gentil convaincu!


Non, je ne suis pas
un de ces mal-pensants
qui recherchent l'effacement
du caractère des nations
comme des personnes
et qui planifient déjà
le village prétendument pacifique
auquel sera réduit
dans le siècle à venir la Terre vaste et diverse!


Outre qu'il ne fait pas bon
vivre dans un village
qui n'est qu'une ville monstrueuse
et terne à la fois,
entourée de campagnes désertes,
je ne veux de la paix
que si les moeurs elles-mêmes,
telles qu'elles sont pratiquées
par ces villageois d'un genre nouveau
respirent la paix
en contribuant à donner
un sens à la vie!


Or, ce ne sont pas les foules,
toujours médiocres,
qui décident du sens,
mais bien le poète et le sage!


Et cette pauvreté toute chrétienne
que prônent les thuriféraires
de la misère, nécessaire selon eux,
des arts contemporains
me fait sourire de pitié!


Car il est tout à fait inconvenant
qu'on condamne l'humanité au jeûne
et à la pénitence,
au lieu de la combler de richesses
ainsi que l'exigent les temps!


LA DEESSE DES PROMONTOIRES

RECUEIL INEDIT. MARS 2005