Le Poète Mainteneur


Vraiment les désordres de ma jeunesse
me font désormais horreur
et me causent du dégoût,
voire de la nausée!
Car je me sens dorénavant
comptable à ma patrie
de la médiocrité ou de l'excellence
de mes jours et de mes travaux
et je suis impatient
de remplir l'attente de mes ancêtres!


Tel un Romain grave et méditatif,
j'entretiens dans mon lararium secret
le culte de ceux d'entre les morts
dont le sang antique
coule dans mes veines,
en brûlant force cierges
au parfum d'ambre
en leur mémoire
et en leur adressant des oraisons singulières
dont je suis le seul
à posséder la clé!


Suis-je donc un conservateur? Non pas!
Je ne suis qu'un mainteneur
comme tous les vivants
car, contrairement à ce que professaient
les beaux esprits pleins de suffisance
au commencement du siècle passé,
tradition ne rime jamais avec paresse
mais avec ardente action,
la seule possible dans ce monde d'aujourd'hui
où la contemplation est regardée
comme une tare
et où la pensée est assimilée à l'affliction!


Or, moi j'offre à mes contemporains
une science fondée sur le gai savoir
où tout est ordre, lumière,
volupté et beauté!


Recevez, Madame,
cette lettre-poème
comme un gage de ma foi
en votre fonction caritative
de prêtresse d'Aphrodite
ainsi qu'en votre vertu
de femme à hommes
et de dame adonnée
au commerce des idées!


Car j'avoue, ô chère et suave comtesse,
que je ne prise guère
ces dames dénaturées
qui en échange d'une fiction de puissance
se font elles-mêmes lester
de leur féminité!


De même, je méprise
ces nations à ce point dénaturées
qu'elles renoncent à frapper
leurs moeurs au coin de l'originalité
propre à leur race
et, soit elles vont jusqu'à délaisser
la langue de leur terroir,
soit elles en pervertissent l'accent,
quitte à embrasser
l'universel charabia
des gens frustes et maniaques
des continents à la dérive,
ou, tout simplement, en ruines!


Vraiment, ô dame
dont je goûte à juste titre les charmes,
votre robe à la Pompadour,
collante à votre corps,
et tout votre maintien gracieux
et votre port majestueux
inaugurent la saison solaire
de ma vie,
et un temps resplendissant
de plaisirs d'amour interminables,
pérennes et permanents
comme l'éternité!


LA DEESSE DES PROMONTOIRES

RECUEIL INEDIT. MARS 2005