La voie vers le Surhomme
Ô jeunes femmes
que mes allusions fréquentes
et apparemment outrageantes
à vos flancs langoureux et forts
comme l'Asie,
à vos lèvres brûlantes
comme les sables du Sahara,
à vos yeux noirs comme le musc
et à vos cheveux
baignés d'essence de rose
ont sans doute lassées,
désabusez-vous et détrompez-vous!
Tel que vous me voyez,
je suis un contemplatif
et je ne jette guère
un oeil profane, voire corrupteur,
sur vous!
Car pour moi, seul un saint
et seule une sainte
ont le droit et presque le devoir
d'être dissolus!
Pour toute autre personne,
la licence amoureuse est
une plaie dont jamais
elle ne guérit
et une tare adhérente
à l'âme ruinée!
Relativement à vous,
ô jouvencelles pétiolacées
à qui je demande pardon
de mes paroles ivres,
je suis uns balle de coton au Paradis,
un coucou dans une citronneraie d'Avril,
une fauvette dans une forêt de noyers,
un merle blanc dans un verger,
un rossignol de Mai
sur la cime d'un cèdre,
un soleil sur votre front,
un rubis dans votre gorge,
une topaze bleue dans votre nombril,
une perle blanche dans votre oreille,
un oeillet rouge
piqué dans votre opulente chevelure
qui vous arrive jusqu'aux chevilles!
Certes, mes poèmes ne s'adressent pas
aux donzelles d'Europe,
dont le coeur s'est irrévocablement endurci
sous le double effet
de la servitude industrielle
et de la débauche mécanisée,
mais à vous, vierges d'Egypte et d'Ethiopie
et d'Inde et d'Arabie
et de Pérou et de Bolivie!
Or, je destine mes oeuvres à vous,
jeunes gens et jeunes filles du Sud
qui lisez encore des ouvrages d'esprit,
car vous êtes purs!
Oui, vous avez conservé
au fond de votre psyché intacte
le secret douloureux de l'amour
et le sens originel
de la science érotique
qui est l'élan vers le Kailasha,
séjour de Shiva et de Parvati,
et l'avenue jonchée de roses
qui conduit l'homme et la femme supérieurs
au royaume du Surhomme!
LA DEESSE DES PROMONTOIRES
RECUEIL INEDIT. MARS 2005