La Sicilienne


Ô belle Sicilienne,
chaude et passionnée,
retire le pot de basilic
de ta fenêtre
afin que je puisse entrer chez-toi!


Que ton étreinte ne soit pas
comme l'étreinte asphyxiante de l'aristoloche,
mais comme le toucher doux de l'angélique,
cette herbe si bonne
et que l'archange Raphaël
apporta aux doux amants!


Ne sois pas tyrannique,
homicide et liberticide!
Que ta liberté soit contenue dans la mienne
qui consiste dans cet élan vers la tendresse,
apanage de ma nature de poète
épris de l'auréole de volupté
de ta croupe chaude comme une pastèque
cuite au soleil,
veloutée comme une oreille d'ours
et d'un bleu aussi profond
que le bleu des ancolies!


Quand ma semence se répand
dans les boyaux de ta joie,
c'est comme si un Déluge
avait transformé tous les fleuves
en cataractes écumantes
et avait rendu la mer
grosse d'un milliard de baleines
et de cachalots indiens!


Si jamais je ne me lasse de toi,
c'est que tu es la maman qui me pardonne,
la Muse qui m'inspire les rêves les plus fous,
la Vierge qui me protège d'Atropos,
cette Parque rompant le fil de la vie,
et, enfin, la petite fille enjouée
qui me baise sur la bouche,
toute en plaisanteries et en extravagances!


Car ton baiser n'est jamais
le baiser féroce d'un faucon
avide de sang,
mais le baiser d'une femme au grand coeur,
rouge comme le cinabre,
pourpre comme le couchant,
rose comme l'aurore
et blanc comme l'aube!


Quand nous somme chastes
l'un de l'autre,
nous marchons dans la neige fraîche,
la main dans la main,
les prunelles dans les prunelles,
heureux comme un fils et une fille
des nuées moelleuses
comme le coton!


Et quand nous jouissons
l'un de l'autre,
le terme de notre voyage
n'est pas le plaisir,
mais la gloire du pain et du vin
de la communion des esprits corporels,
but ultime de l'existence,
non pas Apocalypse terrible
comme celle de Saint-Jean,
mais Révélation du sens
de l'amour humain,
condition sine qua non
de l'amour divin!


C'est pourquoi, chaque fois
que je dois te rencontrer,
je mets un brin de basilic
dans la poche
afin qu ce brin soit proposé à notre union,
comme une centaurée azurée
dans une houle blonde
d'épis de blé en été!


COEUR DE CINABRE

EDITIONS ENCRES VIVES. SEPTEMBRE 2005