À la Manière du Grand Siècle


Mon sang païen
dont les antiques beautés
me donnent tout lieu de me louer
et auquel je me dois tout entier,
à l'exclusion de tout autre
être ou chose inanimés,
oui, mon sang
où bouillonne la mer Egée
me crie de rejeter
les idoles venus de Sion
avec leur cortège de prophètes nocturnes
et d'anachorètes contempteurs des plaisirs,
consacrés par une sagesse millénaire,
et de prêter mon ministère
à Astarté-Aphrodite
que bientôt une galère syrienne
ramènera à Paphos,
la ville même qui a vu naître
Son culte auguste,
tant les jouvencelles y sont belles
et les jeunes gens sereins!


Et je m'autorise des plus magnifiques
de mes rêves
pour annoncer qu'un matin
couleur de pastèque ou de melon
l'Artémis asiate retournera à Ephèse,
et ses fidèles dispersés de par le monde,
boiront, comme par le passé,
le lait aux mille mamelles
de cette Grande Déesse,
comme à autant de cornes d'abondance!


Puis, la saison splendide viendra
où la voix puissante d'Apollon,
Notre Seigneur Soleil,
résonnera entre les murs
ruisselant d'offrandes
envoyées de toute l'Hellade,
de l'oracle de Delphes!


Et ce même Dieu Souverain,
amoureux de prodiges,
fera refluer la mer pendant un bref instant
autour de l'île de Délos,
Sa contrée natale,
et la fera revenir à nouveau
aux rivages sacrés
de cette perle de l'Archipel!


Oui, après avoir vagabondé
parmi les cités
habitées de nations diverses
et souvent adverses,
je reviens à mon port d'attache,
cette superbe Cnossos,
anciennement gouvernée
par des princes fameux,
et aujourd'hui réduite
en cendres volcaniques,
d'où cependant naîtra
un palmier gigantesque
dont la cime prendra racine
dans les profondeurs du firmament crétois,
où, comme une pleine lune d'or
règne Diktynna, cette autre Artémis,
Déesse de Crète, s'il en est,
patronne des fauves
qui initie aux mystères de la foi
et inspire les poètes,
et femme sainte
dont les préceptes
ont force de loi!


Pour avoir tant versé de larmes
et avoir gémi tant de fois
sous le joug intolérable
de divinités lointaines,
si différentes et si opposées
à mes Dieux pénates,
j'en viens aujourd'hui à souhaiter
reprendre la religion de mes ancêtres,
en blasphémant à jamais
ces noms bizarres,
nés sous d'autres climats,
et qui, à mon sens, sont sacrilèges,
car barbares,
fruits de la volonté
impérialement tyrannique
d'une race despotique,
qui en est venue,
contrairement au bon sens,
à confondre ses fétiches
avec des Dieux universels,
les mêmes pour tous les peuples,
et sous toutes les latitudes géographiques,
ce qui est absurde
et a été stigmatisé par tous les sages!


À chaque race ses Dieux ou ses Déesses,
à chaque femme
la flamme d'un foyer personnel,
et à chaque homme
son lararium individuel!


Aux Mexicains Quetzalcóatl et Xochiquetzal,
aux Gaulois Bellone et Brigitte,
aux Romains Venus Victrix et Jupiter-Janus,
aux Hellènes Zeus-Dionysos et Aphrodite,
aux Egyptiens Osiris et Isis,
aux Hindous Kali-Parvati et Shiva!


Car ainsi le veut la justice
qui découlera de la future aurore!
Et viendront ces temps,
attendus avec impatience,
où les hommes et les femmes
répandront force larmes d'allégresse
devant l'oriflamme redéployée
des Dieux et des Déesses originels,
fondateurs des religions ancestrales,
les seules qui furent
vraiment aimées
ainsi que de tendres Bien-Aimées!


ORAISONS PAIENNES

RECUEIL INEDIT. MARS 2005