La Dame-Nymphéa


Quand vous apparaissez,
ô dame trois fois chère,
soleil de ma poitrine,
coeur de mon intellect,
élytre de mon phallos,
mille trompettes jaillissant
comme des glaives
du sommet de ma tête,
oui, mille trompettes sonnantes
qu'accompagnent mille chantres
d'église cathédrale!


C'est qu'il me tarde, Madame,
de vous voir à mes côtés,
couronnée d'immortelles
comme une jeune mariée de naguère!


La prêtresse n'a-t-elle pas prononcé
la communauté de nos biens
et de notre destin
de deux fleurs de lotus
poussant sur la même tige?


Vous êtes le liseron rose de mon aurore,
enroulé autour de mon tronc
frêle et robuste d'athlète
comme une pouliche alezane
montant sur mes reins!


Je suis le chèvrefeuille
qui perça la sépulture
d'Héloïse et d'Abélard
afin de célébrer au-delà de la mort
l'amour de cette héroïne et de ce héros!


Pourtant, je vous serre dans mes bras
avec tendresse, mais non sans appréhension,
craignant de vous perdre
comme une fleur blanche de chicorée,
si je vous fixe
au bout de mon bâton de maître!


Or, sachez que la perte de vous
serait une chose aussi considérable
et aussi monstrueuse
qu'un tremblement de terre
qui abattrait Notre-Dame de Paris
ou Sainte-Sophie de Constantinople!


Autant dire que ce serait
un déluge de douleur
et un cataclysme de désir meurtri,
assassiné, piétiné!


Car vous êtes le nymphéa
que l'eau croupie
n'a pas atteint dans son essence,
que la vase noire n'a pas souillé
et qui m'apporte les rêves les plus beaux,
les plus extraordinaires
qui ont été le lot d'un homme
depuis Claude Monet
dont le nom de gloire
est à jamais associé
aux femmes amoureuses
et aux nymphéas de leurs croupes
percées de lune!


Vous êtes, Madame,
un azur d'au-delà de l'azur!


Vous êtes la petite flamme azurée
qui me chatouille la racine du dos
et qui, s'élevant d'étage en étage
à travers ma moelle épinière,
jusqu'à la cime de mon crâne,
devient un bûcher
où brûle le Cosmos
aux mille déesses,
aux mille dieux!


COEUR DE CINABRE

EDITIONS ENCRES VIVES. SEPTEMBRE 2005