Eucharistie
Par la Sphinge ailée de Thèbes,
à la tête de femme,
au corps de lion
et à la queue de serpent,
je jure de ne plus aimer
qu'afin de féconder mon imaginaire
et de faire englober
dans cette céleste demeure
le désir des mondes
les plus lointains
et de ces soleils
dont la lumière ne parvient jusqu'à nous
que sous forme de cristalline pensée!
C'est que chez-moi
l'imagination prime l'instinct de reproduction,
très fort dans mon cas,
puisque je passe mes brûlantes journées d'été
à rêver de roses
couronnant des vulves astartéennes
et de rubis aux teintes insinuantes
comme des vagins indiens!
Oui, la fantaisie est supérieure
à la réalité,
puisque celle-ci n'est qu'un songe dégradé,
appauvri et dépourvu de cette vitalité
nécessaire à la création
des oeuvres de l'esprit
ou à l'exécution de travaux
demandant un art rédempteur
et une vision démiurgique,
la plus claire possible!
Certes, je suis un spectateur
du mouvement des choses
ou tout au plus son observateur sceptique,
car je ne désire
que participer de la vie intense
des astres naissants
et des antiques volcans renaissants,
où Empédocle d'Acragas
se jeta,
disant adieu à une existence
splendide mais émiettée,
y cherchant sans doute
l'amour chaude de la Terre-Mère,
la seule immortelle amour!
Ô ma Bien-Aimée,
fille de Mnémosyne
et Muse lyrique,
tu es une de ces vierges
qui courent à Olympie
aux Jeux d'Héra,
la jupe bien au-dessus du genou,
les cheveux dans le vent
et le sein droit découvert
comme le disque de la Terre
vu du Cosmos
et comme la sphère d'argent
de Séléné,
la Selana des Doriens,
la Luna des Latins!
Ô ma douce Callirhoé,
fille du dieu-fleuve Acheloos,
tu es l'image vivante
de la Terre
et ta croupe en est la plus belle églantine
poussant sur les pentes du Rhodope
ou de l'Aemos
ou du Parnasse ou de l'Hélicon
ou du Tmolos!
Viens, sacrifions ensemble
à la Déesse de la mer Egée
une blanche chevrette
que nous ferons ensuite rôtir
sur le feu de bois
d'un peuplier blanc
et que nous mangerons
en la plus belle Eucharistie
de l'amoureuse passion!
DEMEURE CELESTE
RECUEIL INEDIT. MAI 2005