Chansons de Muses


Hier, comme l'aube blanchissait le ciel,
j'entendis chanter
les Muses de la Toute Beauté-Eternelle
et toutes les montagnes de Grèce,
du Parnasse au Cithéron,
en passant par l'Hélicon,
reprenaient à l'envi leurs chansons
et les nymphes des rivières
les répétaient aux pêcheurs
et aux bateliers
et les sirènes de la mer
aux marins
qui en vain se bouchaient les oreilles,
suivant en cela
les perfides conseils d'Ulysse!


Hélas! Absorbé par l'harmonie
de ces voix de colombes
et de rossignols
et par le soufre rouge de ces lèvres,
j'ai laissé échapper leurs paroles!


En revanche, j'en saisis
les mélodies immortelles
comme les héros dans les anciennes légendes
saisissaient les taureaux
par leurs cornes
et les lions par leurs crinières!


Si je ne m'abuse,
le sens de ces hymnes était
que le jour est arrivé
où sera mise sur la divine balance
l'épineuse question
de savoir qui,
des mesquines passions de la multitude
ou des désirs et des plaisirs
des Elus, par la bouche de qui
un Dieu ou une Déesse parlent,
assureront la félicité
à l'homme et à la femme,
en emportant le bon plaisir des Déesses
et le consentement ailé des Dieux!


Non, semblaient énoncer
les superbes fille de Zeus,
il ne sera pas dit
que le pur règne du plaisir
aura entraîné l'extinction
du flambeau de la connaissance
et l'anéantissement de la lampe du coeur!


Ce que nous tenons,
semblaient dire les jeunes femmes,
pour un plaisir,
n'est que la gueule déplaisante
d'un monstre,
et ce que nous croyons être
la Volupté,
n'est que l'haleine d'un cadavre!


Non, jamais la révolution
n'équivaudra à la décomposition
et jamais la bêtise
ne sera science!


Et de même que le vent du Nord
ne déracine ou ne casse
que les arbres les plus faibles
et que par contre, il féconde
les terres les opulentes
et les plus potentiellement fertiles,
de même le souffle pur
de la révolution
fait fleurir les âmes immaculées
et ne laisse pas debout
ce qui est énervé, essoufflé,
éreinté, fatigué,
désenchanté, pétrifié!


Telle paraissait être
l'ultime signification
de ces cantiques d'amour
entonnés par les filles de la mer,
des fleuves
et des monts de l'Hellade!


SAVOIR DE POURPRE

RECUEIL INEDIT. JUIN 2005