La Fontaine aux Hymnes


Ô vous qui errez
dans les déserts pierreux de l'aberration
ou qui languissez dans les vallées étroites
de l'indifférence,
venez rafraîchir vos yeux
assoiffées de belles jouvencelles
à la douce et claire
fontaine des hymnes sacrés
où tant de jeunes femmes
viennent avec des cruches d'or
puiser l'eau pure
et, une fois leur amphore pleine,
conversent entre elles avec suavité,
assises sur la margelle,
dans l'attente du maître de passion,
cette cigale stridente,
cet ardent prophète de l'été!


Depuis les temps les plus anciens,
les temps qui à peine émergent
des antiques légendes,
dans les villages de l'Hellade,
les jeunes filles allaient chercher l'eau
à la source
et toujours un maître
les y attendait
qui les faisait ressusciter
par la beauté de son Verbe
et la bonté de ses gestes!


C'était un héros oraculaire,
un Asclépios guérisseur l'âme
et qui chantait ineffablement
la noblesse et la finesse
du corps humain
où siège le coeur
digne de la vie en ce monde
et dans l'autre!


Car le poète lyrique,
l'aède, le rhapsode,
quel que fut son nom,
qu'il s'appelât Orphée, Musée
ou Arion,
ramenait sous le soleil
les âmes mortes dans l'Hadès
et les faisait revivre
dans un corps régénéré
et dans la gloire de l'esprit
baigné de l'océan de compréhension
des chose divines!


Grande fut toujours
la puissance du poète
et ses victoires les seules
que leur durée rendait éternelles!


Aujourd'hui encore,
et plus que jamais,
par une seule de ses paroles
la joie se détache du malheur
comme la feuille se détache d'un noir peuplier
et comme le fruit de la science
tombe du pommier de la certitude!


Et grandes furent,
et le sont toujours,
ses tourments,
intégrales ses humiliations
devant les grands et les prêtres,
et total son supplice,
pareil au feu qui calcine
les chairs offertes en holocauste
afin d'être entièrement consumées!


C'est là la preuve
et c'est là la démonstration,
s'il en est,
que toutes spirituelles sont
sa puissance, son pouvoir,
et sa domination
et que ses victoires les plus hautes
appartiennent à l'empire invisible à jamais
des Déesses et des Dieux,
dont l'existence est niée
par les beaux esprits,
si laids, si violents,
si faibles!


SAVOIR DE POURPRE

RECUEIL INEDIT. JUIN 2005