Le Havre de la Quiétude


Je voudrais que mon navire
mouille dans le doux havre de ta quiétude,
là-bas, dans le Péloponnèse,
à Kalamai dont les oliveraies
tiennent lieu d'Îles Fortunées,
car elles apaisent les marins
ravagés par l'océan
et délassent les héros
de leurs travaux surhumains!


Hercule lui-même,
et aussi Ulysse,
s'ils les avaient vues,
le premier ne partirait guère à l'aventure
et le second ne courrait point les mers!


Car je voudrais vivre désormais
dans un petit village de Messénie,
au bord de la mer,
et n'en plus bouger,
si ce n'est que pour visiter
les vignes d'or de Dionysos!


Oui, je voudrais rester là,
à considérer l'immuable,
à jouir de la paix divine,
à méditer sur ton incomparable beauté,
à me reposer dans le creux
du large et frais platane
de ta hanche
d'où coule la source de mon esprit,
appelée source du Plataniston!


Oui, rien que rêver de ta croupe
en pensant à ta vie suave
d'où tout mouvement est absent,
cela équivaut pour moi
à guérir de la rage moderne,
contractée à force de vouloir,
coûte que coûte,
déchiffrer le palimpseste
des cultures nationales qui se contredisent,
sans jamais se rejoindre!


Non, je ne recherche plus
des inquiétudes
mais des certitudes,
celles dont on devient conscient
en se penchant sur le cours merveilleux
de Pamisos
ou en se roulant
dans la terre féconde d'Olympie,
tel un Gustave Flaubert
qui serait arrivé au but,
essence de l'art romanesque
et quintessence du lyrisme!


Oui, vivre dans un village de pêcheurs
du sud de la Morée,
c'est toucher à l'essence des choses
et c'est connaître
en ayant devant ses yeux,
jamais las,
l'impérissable, le pérenne
et l'éternel!


Cependant, l'Eternité elle-même
pâlit devant la flamme
contenue dans tes hauts flancs
de fière cavale noire et blanche,
manifestation de ton ardeur de Sirius
et portée par les aigles de feu,
messagers de l'Artémis Phosphoros!


Oui, c'est dans un bourg modeste
du Péloponnèse
que je te contemple le mieux,
car c'est là
le havre de ton rêve
où moi-même je viens rêver!


Et de regretter les temps anciens
où la femme toute entière,
de par sa placide splendeur,
était un songe de nuit d'été!


AIGLES DE FEU

RECUEIL INEDIT. AOUT 2005