Le Poète et son Etoile


Ô jeune étoile
qui allaites le Soleil-Enfant,
ô descendante des Dieux,
ô fleur de la Grèce,
ô gloire d'un vieux pays
poli par la passion de la beauté,
aux promontoire ciselés
de main de Titan,
quelle est ma volupté
quand je te vois unir,
à la manière des cornes de la lune,
les deux moitiés de ta croupe
en un disque plein,
rose comme une nue blanche
imbibée de pourpre phénicienne
ou comme une pastourelle
aux joues couvertes de rosée matutinale!


Ô Lune Grande et Toute-Belle,
illumine de mille torches lyriques
ma vie qui jusqu'ici
fut une dérive infinie,
guidée par l'Erreur
et gouvernée par l'Illusion
aux ailes de vautour
se repaissant de mon coeur
et de mon foie!


Oui, comme l'antique Médée
et comme les Argonautes,
ces princes et ces rois,
compagnons infortunés d'Orphée,
j'ai quitté mon royaume
sans emporter d'autres biens
que mon corps et que mon esprit,
oui, j'ai quitté ma cité
pour une terre éloignée,
située au-delà de la mer d'Ausonie,
et j'ai perdu,
avec mon rêve,
mon honneur,
sans gagner autre chose
que les ténèbres du Tartare
et que l'eau noire du Styx!


Et, à deux reprises,
j'ai même traversé l'Achéron,
mais ni Charon ni Cerbère
ne voulurent de moi
et me repoussèrent vers le pays des vivants!


C'est que tu t'opposas
à ma mort,
ô Triple Hécate-Lune
qui es favorable aux aèdes égarés,
aux souverains exilés
et aux princes errants
qui jadis brillaient
de l'éclat d'une lignée illustre!


Comme un Blanc
que des négociants malveillants
auraient rabaissé
au rang d'un sorcier cafrin
ou d'un chaman américain,
j'ai été blessé
dans mon amour de la félicité,
seule amour en laquelle je me reconnais,
et dans mon appartenance
à la famille d'Homère
dont seuls se réclament
les aigles et les dragons!


LES FAUCONS DE FEU

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2005