Eloge de la Soeur Mystique


Ô vous, noble dame, par qui
l'Infant-Amour domine ma pensée,
ô vous, délicate et puissante créature
grâce à qui je parle aujourd'hui
avec tant de liberté, tant d'assurance
et tant d'onction
des croupes immaculées
comme des aubes de prêtres
et majestueuses comme des étoles d'or
des jeunes femmes inconnues!


Ô vous, charmante
et gentille seigneuresse
dont je prête la sensibilité d'angellette
et le frémissement de balsamine
à des jeunes passantes
qui ignorent être des substituts momentanés
et des doubles involontaires
de la femme unique que j'aime,
êtes-vous encore au nombre des vivants,
ou votre âme, lasse de ses chaînes,
s'est envolée vers le séjour des délices?


Quel que soit votre lieu de résidence,
que vous soyez sur la terre
ou dans l'autre monde,
sachez à l'éternité
que grâce à vous
j'ai vécu quarante années
d'amoureuse fierté
comme dans un sommeil
dont l'amour était le seul rêve,
quarante années de mansuétude ecclésiale
où le seul opprobre
fut d'avoir été stigmatisé par la passion
qui en d'autres temps
menait ses victimes à l'échafaud
ou à la lapidation
comme des amants adultères!


Cependant, autour de moi
on s'étonne qu'il y ait un poète contemporain,
se disant profond
et qui chante encore la femme!


En effet, celle-ci a tant démérité
tout le long du siècle passé
qu'elle en est maintenant
à montrer sa face cachée, si révoltante,
d'Hécate lunaire!


Oui, je la considère comme un de ces êtres
qui, selon le mot de Nietzsche,
«ont perdu avec leur joug
toute valeur»!


Oui, la femme moderne
s'emprisonne et s'encastre elle-même
dans le culte du factice
et dans la sécheresse forcenée
d'un primitivisme démoniaque!


Oui, c'est votre parousie, Madame,
qui m'a permis de voir clair
dans la vérité des sexes
et d'exalter ce qui a toujours été
l'apanage des dames:
le don de soi,
la royale prodigalité,
la générosité maternelle,
la justice ardente
et la raison immanente!


Toutes ces qualités de la psyché féminine,
vous les avez jetées
au-devant de moi
comme un soleil à adorer!


En effet, c'est depuis ce temps fameux
que je vous adore
et vous loue
à l'égal du Christ!


Oui, vous êtes pour moi,
ô paonne sublime de mon coeur,
ce que fut Béatrice pour Dante Alighéri,
ce que fut Laure pour François Pétrarque:
l'à jamais mystique Soeur!


NOCES VERNALES

RECUEIL INEDIT. JANVIER 2005