Des Poètes Morts


Chaque après-midi
le poète de l'amour
passe dans l'allée embaumée
où les arbres ont conservé
les paroles secrètes,
les gémissements cachés
et les sanglots des aèdes défunts
dans leur sève
qui monte, monte jusqu'au firmament iridescent,
comme le vin de palme
et comme l'ivresse,
toujours vivante,
des vates du temps passé!


De quoi s'entretenaient-ils donc,
les vieux rhapsodes
avec leur ombre,
leur seule maîtresse?


Accusaient-ils dans leurs monodies
la haine du vulgaire,
la fausse grandeur des rois
et l'envie des poétastres?


Accablaient-ils,
dans leurs imprécations solitaires,
les prétoriens dont les agissements
ont toujours
effacé de la mémoire du peuple
les traces des héros de la plume
dont la lutte acharnée pour l'excellence
fut la plus cruelle des guerres,
tant grande est la gloire
des artisans de l'Intellect?


Pleuraient-ils à larmes chaudes
de la dureté des jouvencelles,
de la mauvaise foi qui est la leur
et de la folie dont elles sont souvent
les instruments?


Se révoltaient-ils à voix stentorienne
contre la Destinée,
toujours indigne d'eux?


Les rossignols de Mai
furent leurs seuls témoins
avec les citronniers en fleurs d'Avril
dont la senteur règne
sous nos climats
où il fait si bon aimer et haïr,
chanter et maudire!


HYMNE A L'AURORE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2005