Le Double Devoir du Poète


Ô Terre-Mère,
tu fus le serpent terrible
qu'une antique tradition appela Python
et qui entourait sept fois
de ses reflets azurés
et de ses replis sinueux
Delphes la Majestueuse!


Oui, tu fus ce serpent
qui s'était enroulé autour du Parnasse,
à l'image des intestins de ma Bien-Aimée,
enroulés autour de son ombilic!


Et Apollon-Soleil vint
et le terrassa
et donna son nom à la Pythie,
sa prêtresse et sa prophétesse!


Depuis cet événement tragique,
un sort de servitude
s'acharna contre tes filles généreuses
et sur l'humanité entière
s'est abattue une Destinée de guerres
féroces et fratricides
menées par Hélios-Phébus,
l'Archer impitoyable
et le Citharède céleste
qui tantôt se baigne
dans l'eau pure de Castalie,
tantôt erre sur les cimes enneigées
des monts de Lycie
ou sur la montagne du Cynthos,
à Délos, cette île minuscule
dont l'ombre emporte dans ses serres
les Cyclades
comme un aigle immortel ses enfants,
afin de leur découvrir
un gîte digne d'eux!


À la chaleur d'écorce d'arbousier
de ta hanche
je trouve un aliment
à ma fougue d'aimer
et une arme pour ma fureur
de justicier sacré
courant les vallées, les plaines
et les montagnes
à la recherche d'un ennemi mortel
sur qui venger des malheurs
vieux comme le monde!


Pourtant, mon destin n'est pas
de tuer des adversaires belliqueux
ou de dévorer vivantes des brebis
comme un loup magnifique,
mais de t'aimer,
ô fille douce,
ma rose embaumée de Céphisie,
ma femme bien-aimée!


Oui, j'en atteste les Parques,
j'ai un double devoir,
à la fois d'amour
pour le pays de mes ancêtres
et d'adoration envers la jouvencelle
à moi envoyée
par les Déesses Bienheureuses!


HYMNE A L'AURORE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2005