Les Noces de l'Aède


Aujourd'hui, j'ai cueilli
des roses et des myrtes
dans la prairie enchantée!
Et je suis rentré avec la Nuit
qui embaumait les fleurs de citronnier,
afin de bénir notre couche,
désormais commune,
et qui se trouve dans ma maison
où, hier, je t'ai conduite
dans un attelage d'airain,
tiré par six cavales
d'une blancheur virginale
et t'ai portée même
dans mes bras
en franchissant le seuil
de notre huis,
comme le veut la coutume ancestrale,
nourricière de notre espérance!


Or, c'est hier très précisément
que prit chair
ce rêve, ce stupéfiant miracle
qui a fait tressaillir
les divinités dans le lararium!


Oui, ce fut comme la chute
de la manne de vie,
comme l'arrivée de la rosée de douceur,
comme la naissance du miel,
enfant du thym attique!


C'est que je t'ai vue nue
comme une Naïade
ou comme une Néréide,
ô mon bateau ivre,
ma nef des rêves,
mon songe flottant sur la mer,
mon Inimaginable Idole,
fleur et source de mon haleine!


Indicible fut mon bachique enthousiasme
ou mon poétique délire
quand j'eus sous mes yeux
ta taille agile et flexible
ainsi qu'une anguille
dans l'Acheloos,
ta hanche semblable à une colombe
toute blanche,
tes fesses pareilles
à des amphores atticiennes,
tes cuisses de pouliche nacrée de Thessalie,
tes jambes de danseuse ionienne,
tes pieds de nymphe
couronnés de tes orteils lance-flammes
et dont les chevilles sont
d'ivoire finement ouvragé,
à la façon indienne!


Et j'ai ouvert tes omoplates
de Déesse Olympienne
et j'ai chanté sur tes seins
qui ont recueilli l'arôme de la brise
et le parfum de ton coeur!


Puis, je me suis baigné,
pendant que les Pléiades atteignaient
le zénith de leur course,
dans la lacustre onde
de tes bras d'or
et dans l'océan sacré
où, à l'aube des temps,
est né le Désir,
fontaine de la Volupté,
matrice de l'Oecumène
et utérus de la poésie lyrique
et Choeur du drame antique!


J'ai ainsi saisi de mes mains
ma propre vie,
pareille à une caverne nuptiale,
toute entière tendue
de peau d'éléphant!


Et celle-ci se mit à fulgurer
comme une Ode de Pindare
ou un Dithyrambe de Bacchylide
et, enfin, comme le Parthénon illuminé
aux fêtes d'Athéna!


PAR-DELA LES NUES

RECUEIL INEDIT. DECEMBRE 2005