Le Feu du Poète


J'allumerai un grand feu
au sommet du Cithéron
avec des branches énormes de chênes
où je jetterai
le xoanon d'une maîtresse de Zeus
et rivale d'Héra
et, aussi, des génisses et des taurillons
et je verserai sur le tout
de la liqueur de Bacchus
et de l'encens d'Arabie!


Ce sera un feu magnifique
qu'on verra de tous les coins de la Grèce,
de Mégare et de Thèbes,
de Chalcis et même de Kymé!


Et les Mégariens transmettront
la lumière de ma flamme
à Byzance,
les Athéniens répandront en mon honneur
la rosée des vierges
sur le sol rocailleux de l'Acropole,
les Chalcidiens me consacreront
une peinture de Zeuxis,
illustrant la marée de l'Euripe,
les gens de Kymé
graveront sur les murs de leurs temples
une ode en alphabet cuméen
et qui sera destinée à ma personne
et les Thébains, enfin,
me chanteront par la bouche de Pindare!


Et par la même occasion,
je ferai une grande libation
afin de reconnaître
le privilège de ta Parousie,
ô Cypris immortelle,
et, aussi, afin de te faire comprendre,
par cet acte gratuit,
le caractère précaire
de ma vie de mortel,
une vie qui s'en va à jamais
comme un précieux liquide
répandu sur la terre
et à jamais perdu,
oui, comme un vin sacrifié
se mêlant aux sables de la Création
dans lesquels se roulent
les fiers renards d'Afrique
et les chacals les plus forts
et les plus farouches!


Et je mêlerai ma semence
à la moire des robes
de ma Bien-Aimée,
afin que le poème de l'univers
y soit érigé,
un poème aux vers
qui respireront comme la femme
dont les poumons sont
les vases communicants
des mondes de l'Âme
et de la Matière!


LA FIANCEE DES OISEAUX

RECUEIL INEDIT. FEVRIER 2006