La Vraie Fête de l'Amour
Tu passais dans la rue
quand j'ai senti ton ombre légère
entrer dans mon regard voluptueux
et s'y fixer pour toujours!
Je traversais à la nage le Sangarios
quand j'ai senti dans son courant
ton noble corps
et dans ses nymphéas
tes cheveux fins comme les volutes
de la fumée d'une pipe à eau!
Dans les joncs du fleuve
j'ai reconnu la corde de ton arc
et dans le gravier du fond
tes flèches, ô épousée
que Dionysos rendit désespérée
pour avoir forcé ta virginité!
Et profondément dans ta matrice,
tu sentis mon éblouissement d'homme
et la promesse d'une amour gratuite,
car totale,
car plénière,
non d'une amour
en vue de l'enfantement,
mais d'une amour pour elle-même,
ayant elle-même
comme but et terme!
Et c'est pour cela que ton passage
en ce jour béni
fut si beau:
parce que je vis en lui
le passage d'une beauté aussi singulière
qu'une étoile dans le ciel,
aussi rare ou aussi unique
que Sirius dans le firmament nocturne
de Juillet,
oui, d'une beauté aussi subtile
qu'une gemme fine
sur le doigt d'une Reine!
Or, telles sont les amours des poètes,
plus précieuses que les amours des Dieux
qui ne tombent amoureux
que pour avoir des fils!
C'est que les trouvères
aiment les femmes pour elles-mêmes
et non pour leurs maternités,
par ailleurs indifférentes
et parfaitement hasardeuses!
Or, j'aspire, non à de fausses fêtes
mais à des festins d'Athènes
ou de Venise,
à de Grandes Dionysies
ou à des Carnavals vrais!
LES SERVANTES DU SOLEIL
RECUEIL INEDIT. JUIN 2006