L'Orage de Volupté
Ah! Te voir passer dans la rue
de ta démarche ondoyante à la lévrière!
Autant sentir au-dessus de soi
l'orage d'été qui gronde
et qui tonne et gémit!
Comme lui, tu rallumes mes prunelles de jais,
endormies par la torpeur caniculaire
et opprimées par l'inertie moderne!
Et tu fais battre plus vite mon coeur,
selon une cadence saine et puissante
dans ma poitrine avide comme une panthère!
Oui, tu fais ressurgir en moi
l'instinct du fin lévrier de Sparte
ou du molosse d'Epire,
l'instinct de la poursuite
à travers les plaines, les steppes
et les dunes de sable
et de la prise de la proie
entre les canines aiguës!
Dès le moment de ton passage
devant mes yeux éblouis et émerveillés,
je recommence à vouloir vibrer
dans l'ardeur grecque de l'été,
dans le parfum des lentisques,
dans la lumière de midi!
Comme une ondée soudaine
qui tombe à flots,
mon sang afflue vers mon cerveau
et vers mes muscles
qui tressaillent à nouveau,
prêts à se détendre
comme un arc
dont on décoche les flèches d'acier
vers une cible vivante,
se mouvant avec la vitesse d'un lièvre!
Comme le vent qui précède la tempête,
un fort souffle génésiaque
se lève dans mes entrailles
à chaque fois que tu apparais
sur mon chemin par toi élargi,
un souffle semblable à celui que sent l'étalon
devant la poulinière robuste et fragile
et dont l'odeur déclenche
la bourrasque sensuelle!
Comme la foudre fulmine en moi,
comme les éclairs s'entrecroisent
dans mon diaphragme!
Comme le complot dans un opéra
croît ainsi qu'un coup de canon
jusqu'à tout emporter devant lui,
ainsi éclate dans mon âme
le complot des sens
ressuscités par le balancement révolutionnaire
de tes hanches séditieuses!
Ô orages de volupté,
faites revivre le Saint
sûr de sa force
et épris de plaisir!
Par sa ferveur renouvelée,
par son enthousiasme dionysiaque retrouvé,
il vous rendra au centuple
l'incendie bénéfique
que vous avez allumé en lui
comme dans une forêt putrescente!
ENDYMION ET LA LUNE
RECUEIL INEDIT. JUILLET 2006