Des Oiseaux et des Ménestrels

J'abhorre absolument
tout ce qui n'est point doux
et ne s'offre pas avec générosité
et j'exècre tout aussi totalement
ce qui est franchement amer
et n'est que le produit
de causes fortuites!


Car je viens d'une plaine tropicale,
nourricière d'un miel
qui serait étrange,
s'il n'était merveilleux!


En effet, Areizanteia l'Indienne
se singularise des autres contrées
de la vaste terre
par un miel qui ruisselle
des feuilles des arbres,
généré par la rosée matinale
que ces arbres boivent
dès qu'Aurore, cette joyeuse Déesse,
a quitté le lit de son amant Képhalos
et se met à transpercer
de ses flèches de feu
les épaisses ténèbres
léguées par la Nuit,
donnant de la sorte
le signal de combat pour le plaisir!


Ce miel coule des feuiiles
comme des alvéoles d'une ruche
et est identique, voire supérieur,
au fruit, savoureux à la fois
et savant, des abeilles!


Sur les branches de ces banyans
qui distillent le miel,
chante un oiseau miraculeux,
appelé orion,
et qui évoque les cygnes,
si ce n'est,
qu'à la différence de ces derniers,
il chante,
non pas en faisant bruire ses plumes,
mais à la façon d'un aède,
en modulant des hymnes nuptiaux,
oui, de véritables chants d'hyménée
sur la lyre de ses ailes!


C'est un oiseau voisin du catreus,
ce volatile que j'aime tout particulièment,
parce qu'il a un plumage fauve
et qu'il annonce les ondées
régénératrices de la glèbe!


Comme son cousin l'orion,
il chante plus qu'il ne gazouille,
et d'une façon qui passerait pour savante,
même pour un trouvère!


Mais qu'il y a-t-il donc de commun
entre ces oiseaux fabuleux
et les ménestrels?


En effet, les uns et les autres
se nourrissent de miel de l'âme
en un effort unique,
et peut-être paradoxal,
de promouvoir en eux
et autour d'eux
la musique et la beauté!

PALMYRE

RECUEIL INEDIT. DEBUT AOUT 2006