Le Poète Sacrilège


De même que naguère
les magistrats athéniens
intentèrent un procès pour athéisme
au poète lyrique Diagoras de Mélos,
accusé d'avoir divulgué
le contenu des Mystères d'Eleusis,
de même aujourd'hui
les autorités de la République d'Athènes
devraient logiquement
mettre ma tête à prix
pour avoir révélé
dans tous les détails
les Mystères des cigales, des cygnes
et des femmes!


En effet, qui a dit mieux que moi,
parmi les modernes,
la cigale archangélique
qui, apparaissant au milieu
de la gloire de l'été,
chante dans les oliviers d'argent
ou dans les platanes d'or
le bonheur de la sagesse,
elle qui est folle de soleil?


Qui a dit mieux que moi,
parmi les auteurs de mon temps,
la beauté ondoyante des cygnes,
leur fidélité en amour,
leur blancheur de neige immaculée
et leur chant divin
quand, couchés sur les berges de l'Hèbre,
ils élèvent leur ode
qui, par l'échelle d'une brise sereine,
monte jusqu'aux nues
et, de là, parvient jusqu'aux oreilles
des Dieux bienheureux de l'Olympe?


Qui d'entre les aèdes
de tous les temps
a dit mieux que moi
la surnaturelle,
la féerique beauté cachée
qui gît dans les flancs de la femme,
voire dans l'entre-deux des flancs
de cette dernière
où fut conçu le Messie,
qu'on appelle aussi le Sauveur?


Qui mieux et plus que moi a disséqué,
puis recréé le bienfait
de la présence physique de la femme
dans la vie du poète
et de l'homme en général?


Sans doute, mérité-je, moi aussi,
comme Diagoras de Mélos
de belle mémoire,
le reproche de sacrilège,
pour avoir sans vergogne
divulgué tant de secrets
de cygnes et de cigales
et, surtout, pour avoir géométrisé
la chair de la femme!


LA REPUBLIQUE DES OISEAUX

RECUEIL INEDIT. 10 AOUT 2006