Le Poète et sa Bonne Fortune


Cependant que dans le silence
de trois heures de l'après-midi
les cigales bruissent
comme des passages de plumes de perroquet
et des éventails de demoiselles japonaises
ou de seigneuresses d'Espagne
et que les feuilles des arbres
se réfléchissent dans le marbre
des tables
comme les papillons se mirent
dans l'eau des fontaines
ou dans les coeurs des jeunes filles chastes,
me vient, comme le son de flûte
d'une brise féerique,
la souvenance des jeunes femmes de naguère
qui ressemblaient à des monnaies d'or
non falsifiées,
bien sonnantes
et bien frappées,
à la différence de celles d'aujourd'hui
que l'on croit modernes
et, qu'en réalité, il vaudrait mieux comparer
à des piécettes de faux zinc
portant sur le revers,
grossièrement gravée,
l'effigie d'Hécate,
la déesse malfaisante
des tigresses et des panthères
hurlant à la lune hiémale!


Alors que je fais ces pensées
si déplaisantes
par une aussi magnificente
journée d'Août,
baignée de la chaude lumière du Chien,
apparaît sur le seuil de ma demeure
une vierge de seize ans,
vêtue à l'ancienne
et ayant une allure timide!


Sous cette modeste apparence
se cache sans doute
la Madone
venue m'enseigner le non-ressentiment,
la non-rancune pour toutes les offenses
passées et à venir!


Oui, elle vient m'apprendre
la générosité en toutes choses,
le don de soi
et la foi dans le déroulement,
en apparence aveugle,
mais en vérité transparent et lumineux,
des jours et des nuits
qui ne manqueront pas d'apporter
la Bonne Fortune!


C'est dans cette foi,
semble me dire cette humble vierge,
que gît le secret du bonheur,
c'est-à-dire dans la beauté de notre âme!


Il vaut mieux avoir une vie
modeste en succès
qu'indigente en rêves
reflétant la grandeur de notre coeur!


LA CITHARE FRANGEE DE FLAMMES

RECUEIL INEDIT. 25 AOUT 2006